Carnet de bord de Novembre 2014 | Partager sur Facebook |
5h10, c'est parti, vers l'ouest, 4 clients : Commentry, Montluçon, St-Maixent-l'Ecole et enfin, cerise sur le gâteau : Boyardville - île d'Oléron. Voici un début de semaine qui me plait, non pas à l'idée de visiter le Bourbonnais ou le Poitou, mais bien pour cette ultime livraison qui me permettra, si tout se passe bien, de faire ma coupure devant le fort Boyard, bercé par le vent du large.
Comme si tout se déroulait comme prévu d'ordinaire... Mon dieu que je suis naïf.
Je commence donc sur la RCEA et sous un ciel maussade. Le jour se lève, j'arrive à Commentry. D'un côté il y a l'énorme usine chimique qui diffuse son odeur de pourriture, de l'autre il y l'emblématique forge, au centre de la ville, tel un vieux cœur fatigué qui bat encore, pour le moment, et qui donne du travail à ses ouvriers, ainsi qu'aux prestataires qui gravitent autour dont GN Transport et moi-même ce matin, 8h, posé sur la bascule et prêt à peser.
Je livre ici un lot de ferraille à recycler.
Deuxième étape : centre commercial Auchan à Domerat. Il s'agit d'un chantier et j'essaie en vain de joindre le contact du CMR pour savoir où, quand et comment ça se passe. Je roule, personne ne répond, je finis par arriver sur place : faute de mieux et ne voyant pas de chantier je me pose sur le parking voiture, m'allongeant de tout mon long sur 9 ou 10 places.
Il est 9h et les petits vieux affluent de toute part pour venir acheter la portion de tripes pour midi ainsi que le paquet de croquettes pour Kiki le chien.
Je me retrouve là au milieu, et à ce rythme je vais finir par ne plus pouvoir sortir du parking, pris au piège tissé méticuleusement par les AX, les 205, les C15 et leurs conducteurs machiavéliques.
Je trouve d'autres numéros sur internet ; après 3 coups de fil j'ai enfin un des ouvriers en ligne qui m'annonce : "bah on est encore sur l'autoroute... on arrive dans une bonne demi-heure".
Génial.
Une heure plus tard ils débarquent, je me suis rongé tous les ongles.
J'ai eu la bonne idée, ou plutôt le sacré coup de chance, de charger leur marchandise dans le porteur. Car il faut vider dans un trou de souris avec accès en marche arrière.
La caisse du porteur fait 6m50 de long, les fardeaux que nous déchargeons font 6m40. Avec les rebords de chaque côté, plus le poteau, l'opération s'avère très compliquée mais surtout très périlleuse pour la carrosserie... sachant que le conducteur du télescopique n'est pas des plus précis. Transpiration garantie.
Comme prévu je ressors du parking au millimètre. Il est plus de 11h, ça n'avance pas aujourd'hui.
Je roule en direction de Poitiers, puis de Niort. Le temps est venteux, triste, sombre, et pluvieux. Un délice.
J'ai un conteneur de produit chimique à livrer dans une petite boite située au centre de Saint-Maixent. J'arrive à 15h30, il y a une toute petite cour où je peux me retourner pour me mettre en place. Drôle d'endroit : "entreprise Intel, spécialiste fioul-carburant-charbon-vin-bière-spiritueux". Laissent-ils vieillir le gazole en fût de chêne ? Servent-ils le Château Margaux à la pompe ? Drôle d'endroit.
Reste mon ultime livraison : un chantier dans un camping de l'Ile d'Oléron. J'appelle le contact, ils m'attendent, ils ont besoin de la marchandise au plus tôt.
Je roule, le temps se gâte.
1984 ou 1985 (je ne sais plus), petit Ray vient faire des pâtés de sable pour les vacances d'été sur l'Ile d'Oléron.
1993, jeune et tendre Ray vient en voyage scolaire à l'Ile d'Oléron.
2014, Inquièt39 se présente avec son camion devant le pont qui va le conduire à nouveau sur l'Ile d'Oléron.
Le temps vire à la tempête. Je m'engage sur le pont, préoccupé. Dans mon rétro, je vois la remorque qui se balance de gauche à droite au rythme des bourrasques. J'arrive au bout du pont, j'arrive sur l'île, quand soudain les voitures d'en face me font de grands appels de phares : la bâche de la remorque vient de se décrocher par l'arrière, elle s'est complètement rabattue au tablier et flotte de toute part. Et merde.
Par chance dans mon malheur, je peux me garer de suite à l'arrivée du pont, il y a un restaurant sur la droite.
Tel un Kersauson de gouttière je sors dans la tempête pour réparer mon embarcation : avec ma barre de toit je réussis à ramener la grosse traverse vers l'arrière, mais les roulettes sont sorties, je ne peux les remettre dans le rail avec ce vent de folie et cette pluie horizontale. Système D : je sangle mon toit de l'intérieur, au plancher. J'ai bien tenté d'en passer quelques-unes à l'extérieur mais c'est impossible, elles s'envolent direct.
Le jour décline et je laisse ma remorque au restaurant pour aller décharger le porteur.
Moi qui voulais faire de belles photos sur l'île c'est raté. Il ne cesse de pleuvoir.
Quelle joie néanmoins de reconnaitre, juste avant Boyardville, les bâtiments du centre de loisir où nous séjournâmes avec ma classe de 6ème. Je ne m'y attendais pas.
Je voulais voir le fort, les tigres, les nains, Olivier Mine et le père Fouras... je ne verrai finalement que le camping, sous le déluge. Au terme de cette livraison chaotique il me reste 25 minutes de volant, tout juste de quoi retourner atteler la remorque.
Je coupe sur le parking du restaurant, sous des trombes d'eau et bercé par le vent. Voyage à l'île d'Oléron gâché.
L'anecdote qui tue : hier soir, à peine remis de tous ces évènements, je reçois mon ordre de chargement de Stéphane, via SMS.
"Chargement Yvrac... blablabla.... blablabla.... blablabla.... pour compte Passepartout". C'est une blague ? Non. Je reviens du Fort Boyard et je me fais affréter par Transport Passepartout. On frôle le sublime.
A moins que ce ne soit le vrai Passepartout qui ait passé un coup de fil à Stéphane pour nous affréter ?
Je quitte Oléron avec ma remorque rafistolée, le vent est tombé, il est 6h ce matin. Je vais donc charger à Yvrac, une grosse machine.
Je me présente à 8h chez le client, personne ne sait de quoi il s'agit. On passe des coups de fils, on me dit d'aller voir untel, qui me dit d'aller voir untel, qui me dit "je ne sais pas de quoi il s'agit". Jusqu'à l'arrivée du responsable, enfin, qui lui m'annonce "bah j'avais dit pas avant fin de de matinée".
En effet la machine n'est pas là, elle est dans une autre usine toute proche et difficilement accessible en camion. Le responsable m'y emmène en voiture pour étudier le problème. En porteur je peux venir, mais avec le hayon je ne peux pas charger, la machine est trop encombrante et lourde.
Nous partons donc à la recherche d'un chariot élévateur dans le voisinage, et nous trouvons notre bonheur chez un marchand de radiateur. Un bon vieux Clark qui a fait la guerre. Je me retrouve au volant de l'engin, le responsable étant de type cravateux pas trop dégourdi de ses 10 doigts.
Me voici donc maitre des opérations : après avoir reculé le camion au plus près je m'occupe du chargement de la machine... pas hyper à l'aise mais très motivé à l'idée qu'on me laisse gérer, qu'on me laisse bosser comme bon me semble.
Tout se passe bien. Je pourrais presque viser une belle carrière de cariste...
Deuxième chargement chez un grossiste en matériaux, à Villenave-d'Ornon. Pas trop de place dans la cour, entre les bricoleurs du mardi, les artisans pressés, et les caristes : je gène. Je gène d'autant plus que la personne sensée s'occuper de mon cas n'arrive pas. J'attends.
Au bout d'un quart d'heure arrive un jeune dandy, genre diplômé de grandes écoles raté qui a fini au rayon carrelage chez Gedimat, et ce jeune dandy ne comprend pas grand chose de la situation : Je viens charger un retour de marchandise non conforme, à ramener chez le fabricant, et lui me prend pour le fabricant en question, il ne pige pas que je ne suis qu'un prestataire de transport, qui plus est affrété, simple chauffeur et donc 17ème roue du carrosse de toute cette pyramide décisionnelle qui m'indiffère autant que je l'indiffère. Bref, il persiste à me dire "bah faut reprendre votre produit parce que ça va pas, et puis y'a ça qui n'est pas bon, et puis y'a ça en plus faut le reprendre aussi etc."
Pour charger trois pauvres palettes il me demande d'aller au fond du parc en marche arrière, entre les étals de matériaux. Je lui dis non. Il me soûle tellement que je pense avoir l'air méchant. Nous chargeons sur place et je me sauve.
Rien d'autre m'annonce le SMS du chef, ainsi que "roule direction Clermont".
Je quitte Bordeaux et roule donc vers l'Auvergne.
Le vent à balayé les nuages, il fait maintenant un grand beau temps. Je profite d'une coupure pour réparer complètement le toit de la remorque. Je repasse les roulettes dans l'axe du rail, tout fonctionne désormais comme s'il ne s'était rien passé, seules quelques traces de frottement sur la traverse arrière me rappelleront au souvenir de ce beau voyage sur l'île d'Oléron.
La Dordogne, la Creuse, le Puy de Dôme, autant de paysages sublimes sous les couleurs rouille de l'automne.
Après 8h40 de volant je m'arrête au milieu de nulle part, au calme, au frais, entre Thiers et Noirétable.
Réveil dans la froideur humide de l'automne auvergnat. Comme si j'avais trop de temps libre, j'ai passé la soirée à regarder de vieilles vidéos de Desproges sur Youtube, accumulant au passage mon retard de carnet de bord. Tant pis.
Ce matin je vais décharger à la Talaudière. J'arrive à 8h, trois camions dans la cour mais j'ai des longueurs à sortir par le côté et on me fait passer en priorité. 8h30, c'est fait. Il me reste la grosse machine à destination de Bourg d'Oisans.
Je reçois une ramasse à Andrézieux-Bouthéon. Complet de semie, 33 palettes europes, seulement avec cette fichue machine dans le porteur il faut se creuser la tête pour optimiser l'espace. Le cariste est vraiment sympa, et surtout patient. Il accepte de gerber 2 palettes faute de quoi je ne peux pas charger.
Je paie le café, nous discutons concours de pêche même si je n'ai pas grand chose à dire sur un sujet aussi sensible. Puis je m'en vais, direction Jarcieu.
J'arrive au dépôt à midi, décharge le complet avec l'aide de Lionel et Philippe, je prends ensuite un quart d'heure pour manger avant de repartir tout debout vers Bourg d'Oisans.
Il pleut, il fait moche, je traverse Grenoble et file entre les montagnes dont quelques sommets apparaissent déjà saupoudrés de blanc, tandis que dans la vallée, entre Vizille et Bourg d'Oisans la pierre est noire et la forêt est rouille.
Je laisse ma remorque sur un parking près de Gayet... d'autres eussent laissé leur scooter sur un parking près de Gayet ; je fais les derniers kilomètres en porteur ne sachant pas vraiment à quel genre d'endroit tordu m'attendre.
Il s'agit d'une laverie automatique en construction à l'entrée de Bourg d'Oisans, je peux me garer devant sans problème. Comme hier à Bordeaux je tombe sur un mec qui ne pige pas grand chose : on a l'impression que tout lui est dû, il semble me remettre en cause sur le fait que je refuse de décharger au hayon (une machine de 3m et1t500...), et très vite il m'énerve.
C'est un cariste de chez Samse (boite au slogan ridicule "Bravo les hommes en bleu") qui fait le déplacement avec son fenwick. Trop bon - trop con, j'aide à acheminer la bête jusque dans le local, plus pour aider l'homme en bleu que le type en polo Lacoste...
Vide, je redescends dans la vallée, toujours aussi sombre avec toute cette rouille, ces vieilles centrales EDF, ces caillasses noires dont l'étonnante "Tête de Louis XVI" qui ressemble à s'y méprendre à Louis XVI, ou à Balladur, c'est selon...
Je récupère ma remorque Rue du Cirque et m'en vais en direction de l'Ardèche. Rendez-vous demain chez Jarjat pour mon problème de toit de remorque, ainsi qu'une foultitude de petites modifications à faire pour rendre cette carrosserie définitivement géniale.
J'ai les heures pour aller couper à destination, Vernoux en Vivarais, au calme, au frais, au fin fond de l'Ardèche, une coupure comme je les aime.
Vernoux en Vivarais, 6h30. Il doit faire 2 ou 3 degrés, un type en short débarque pour ouvrir la grille de l'entreprise. L'Ardéchois a le cuir épais, il ne craint pas manifestement pas le froid.
Je descends (avec mon blouson), et l'autochtone fort sympathique m'invite avant toute chose à prendre le C15 pour aller boire le café au village. Est-on reçu de la même manière chez Volvo ? Non. Ainsi commence une journée fort plaisante chez Jarjat, en Ardèche.
J'ai garé le C15 sur la place et je me retrouve au comptoir, devant mon expresso, à écouter les derniers potins du coin. Ça cause des "bouseux de Saint-Agrève" qui vivent dans le trou du cul du monde, reclus de tout. Alors qu'ici à Vernoux, rien à voir...
Je reprends un café puis je salue l'assemblée et m'en retourne au garage. Le chef est arrivé, ensemble nous faisons le tour des travaux à effectuer.
Je sors une manœuvre de haut vol pour caser la remorque dans l'embouchure de la porte, ce qui me vaut toute la reconnaissance des ouvriers, pour ma plus grande fierté.
_ modifier le coffre à transpalette (pour que ce dernier tienne dedans...)
_ modifier l'accès aux batteries (pour que celui-ci soit possible)
_ découper une épaisseur de bâche (pour que ça ne coince plus dans les crochets de portes)
_ faire une plaque de manutention (pour passer du porteur à la remorque)
_ rajouter des portes plaques ADR
_ rajouter un rail d'arrimage plus haut
_ sécuriser l'ouverture des toits
_ modifier le calage des portes avant du porteur
_ déplacer certains rivets qui coincent dans les charnières
_ mettre des supports pour le balai et l'échelle
Voilà le travail à faire, et ils sont quatre ouvriers à l'écoute, disponibles et sympathiques. Je peux même bricoler avec eux : pour ne pas rester les mains dans les poches je m'occupe de tailler moi-même la bâche du toit.
J'aime cet endroit, cette ambiance. Ici on fait tout de A à Z. On découpe, on soude, on plie, on meule, on pose des rivets ; d'un bout de ferraille on fabrique un poteau, une porte, une traverse, jamais de problèmes - on a autant de solutions que de pièces en magasin ; et au milieu de cette agitation, on peut apercevoir Monsieur Jarjat en personne, peaufiner une pièce sur une de ses machines pour s'occuper, malgré ses 79 ans...
Certes on ressent parfois un côté "rustique" dans la manière de travailler : par exemple lorsqu'un des ouvriers me concocte un support à balais qui pourrait servir à accrocher la roue de secours tellement il est énorme... ou lorsque qu'on pose 4 rivets "pour bien que ça tienne" alors que 2 suffisaient largement. Mais au final, c'est sûr, c'est du costaud. D'ailleurs mon camion a dû être alourdi de 100 Kg aujourd'hui, dont 50 Kg de rivets...
Le midi on me paie à manger. Vers 15h c'est terminé, tout est parfait, mieux que je ne l'aurais imaginé. Pour l'anecdote je repars même de là-bas avec 2 saucissons, cadeaux de la maison...
Niveau qualité de service je mets 20/20 à Jarjat. Et dire que j'avais failli ôter l'autocollant éponyme au cul de mon camion, sous prétexte que ça ne "bichait pas trop"... dorénavant je porterai haut et fort les couleurs de l'enseigne ! Vive l'Ardèche et vive les Ardéchois !
Du calme Régis, il est 15h et la journée commence à peine. Alors que je viens de partir de Vernoux et que je tente vainement de faire une carte postale de mon camion dans le Vivarais, voici un SMS de chargement : Express à Vizille pour Pithiviers. La fin de semaine s'annonce chargée.
Je roule sur Grenoble, puis sur Vizille, j'arrive à 18h. Un quai tout merdique devant lequel je ne peux m'aligner, mais un cariste sympa qui charge en faisant très attention à ma nouvelle carrosserie au poil.
19h, complet, c'est parti pour Pithiviers. J'ai été bien inspiré d'aller dormir à Vernoux hier, j'ai les heures pour monter direct.
Faute d'avoir mis du gazole au dépôt je m'arrête à la Total Access de Fleurville : prise maxi 129 euros et pas d'ADblue... mauvais choix.
Je reprends l'A6 à Tournus et roule jusqu'à destination : la sucrerie de Pithiviers. J'arrive au milieu de la nuit et trouve une des dernières places du parking PL.
Ça sent la salade de Betteraves rouges à plein nez. Je me présente au poste de garde de la sucrerie, les benneux tournent en cadence pour alimenter les énormes machines qui font d'une racine un grain de sucre. Les camions sont souillés, il pleut, il vente, il fait froid et je suis à Pithiviers. Ça à l'air tragique sur le papier... mais pour mon plus grand bonheur je trouve une douche bien chaude en poussant quelques portes, ainsi qu'une machine à café qui, et c'est un comble, me sert un expresso sans sucre. D'ailleurs il y a un autocollant près du monnayeur : "pour votre santé, limitez votre consommation de sucre". Un peu comme si j'apposais un autocollant sur mon tableau de bord : "pour votre santé, ne conduisez pas de camion".
En attendant la suite je me pose à nouveau sur le parking PL près de l'entrée. Cela me vaut une haine farouche de 3 chauffeurs Ablo, parce que - et je le comprendrais plus tard - je suis sur leur place à l'heure où eux ont terminé la journée. Non je ne suis pas omniscient. Je ne connais pas les petites habitudes de chacun partout où je vais... Véhémence gratuite à mon encontre de la part de collègues pas compréhensifs du tout, c'est tellement agréable !
Noël m'envoie charger à Orly, de la presse à vider en foulée à Lyon. Pithiviers - Orly - Lyon - Mâcon, il ne va pas falloir que ça traine sous peine de me retrouver planté pour 11h à deux pas de chez moi.
Je fonce sur Orly, zone Senia. Par chance tous les quais sont libres, d'ailleurs la manœuvre aurait été difficile vu le manque de place devant... On m'autorise à en prendre deux, et on me charge en 20 minutes. C'est parfait.
Je repars donc dans l'autre sens, complet, sans même avoir eu le temps de caser une coupure.
Nous sommes vendredi et comme prévu ça coince en sortie de Paris. Je roule en accordéon pendant 3/4h, regardant anxieux les minutes s'égrainer au compteur. Je fais le point une fois passé Fleury-en-Bière : j'ai à peine un quart d'heure de marge pour faire mon tour.
Ne souhaitant pas partager un sandwich Donat avec la horde de weekendistes pénibles qui descend, je me reporte sur la bonne vieille boite de maquereaux des familles, sauce escabèche, que je mélange à un sachet de boulgour bio, parce que je suis pouilleux, bobo et écolo à la fois.
Au hasard d'un café sur mes terres, à l'aire de la forêt, je discute avec un chauffeur de chez Oubrier, 27 ans de boite et plein de choses à me dire...
Je poursuis avec pour mission : trouver un endroit pour mettre de l'ADBlue... vu que je ne fais pas la semaine avec mon plein. Mon bonheur se trouve sur l'aire de Dracé.
Pont ? Pas de pont ? Weekend de 4 jours ? Weekend de 2 jours ? Weekend de 3 jours ? Suspens insoutenable jusqu'à ce SMS qui arrive en plein petit-déjeuner, ce matin, à 9h : "Roule direction Annonay, adresse arrive..."
Comment dire... non je ne passe pas le weekend derrière le volant à attendre les SMS, adresse peut donc arriver tranquillement je n'ai pas fini de déjeuner.
Et justement adresse arrive une demi-heure plus tard, alors que je n'ai heureusement pas encore quitté mon antre mâconnaise : "chargement prévu 14-15h, à Eurre 26".
Heureusement que je ne suis pas parti au quart de tour comme un imbécile, j'ai largement le temps de décoller en douceur, tellement le temps que je me paie même le luxe d'oublier mon portefeuilles - ce qui me vaut un aller-et-retour supplémentaire en voiture vers la maison.
Je pars de Mâcon à 11h. Je dois charger pour Londres, j'en déduis que théoriquement, peut-être, il y a des chances que sûrement je rentre à la maison ce soir... mais cela reste à prendre au conditionnel.
Rien ne sert de courir donc, je vise Eurre pour 14h, j'ai amplement de quoi être à Eurre à l'heure.
Je m'arrête à la boulangerie de la zone des Auréats, Portes-lès-Valence, ma nouvelle cantine : "panini royal", éclair au chocolat, café. Parfait.
Je charge en début d'après midi, le Suédois est déjà passé par là et nous allons livrer tous deux à Londres jeudi matin. Je suis maintenant sûr de passer le 11 novembre dans mon canapé, sous ma peau de bête.
De retour à Jarcieu je me retrouve coincé dans un énorme embouteillage entre les deux sorties Valence. Je sors dès que possible, à valence-nord et je reprends à Tain pour arriver au dépôt avec 4h28 de conduite continue, presque pas stressé à l'idée d'offrir 45 minutes de ma soirée à la RSE.
Il reste un peu de place alors j'écope d'un passage à quai pour rajouter 5 pal d'essence pour l'Angleterre. Ensuite il faut faire les pleins, il faut laver... je rentre tout juste pour le couvre feux, à 22h10 à Mâcon.
Il faut rester sur le qui-vive.
A peine ai-je entamé ma journée de glandage intense à base de canapé et de peau de bête, voici un nouvel SMS de Jarcieu, changement de programme, je ne prends plus le bateau demain soir en Belgique à 23h comme convenu, je le prends demain matin avant 8h30 à Zeebrugge. Traduction : départ ce soir et route de nuit.
Par chance je n'avais pas prévu de faire un marathon, ni de couper du bois, ni de faire une soirée mousse à la "Clé des champs", par chance donc je peux anticiper mon départ avancé.
Pour bien faire il faut partir à 22h.
Et pour encore mieux faire je pars à 21h30. Marre des programmes avec un quart d'heure de marge.
Je quitte Mâcon, et roule toujours tout droit dans la nuit en direction de Zeebrugge.
Cette route de nuit s'annonce pénible aux premiers abords : à peine passé Langres je me mets les premières claques dans la tronche. Mon chargement ADR me fait opter pour l'autoroute, je ne sors pas à Chaumont comme d'habitude, je roule laborieusement jusqu'à l'aire de Troyes, 45 minutes d'arrêt.
45 minutes dont 30 de sieste, je pars reboosté après un petit café et un gros pipi.
Sur l'A26 il ne se passe strictement rien, les lumières rouges des éoliennes clignotent dans l'espace, presque en rythme avec la batterie des "Cure" et de "seventeen seconds", pas de doute nous sommes sur une autre planète, il est 2h du matin et il faut être routier pour vivre pareille sensation de vide intersidéral.
Pour ma deuxième coupure je choisis Rumaucourt, aire de service où l'on trouve l'eurovignette, mais surtout aire de service infestée de rats. En arrivant sur le parking PL j'en vois un courir ; ça arrive. En sortant du camion il y en a un autre qui me fait sursauter - tel le gros routier bien viril que je suis - en courant là, juste devant moi, à un mètre de mes baskets. En repartant, avec les pleins-phares, c'est 8 ou 9 bestioles qui s'agitent devant mon camion, entre les poubelles, les bordures, et les autres camions garés.
Je passe Lille avant 7h, j'arrive en Belgique, le 12 novembre se lève petit à petit et j'entrevois le port de Zeebrugge.
J'ai déjà pris Cobelfret, mais aujourd'hui je m'apprête à voyager sur P&O. Pas le même port, mais le même principe : un vieux rafiot qui n'embarque que des semies décrochées, et aujourd'hui 3 clampins en ADR, dont moi. La procédure d'enregistrement est plus facile que chez Cobel, je peux aller me poster directement en attente devant le bateau.
Merci à toi concepteur du nouveau FH pour cette trappe merdique derrière laquelle se cache le filetage du crochet d'attelage ! D'après la notice un simple tournevis suffit à la déboiter pour l'ouvrir... concrètement aucun de mes tournevis n'entre dans le trop petit interstice, et lorsque qu'enfin j'arrive à faire levier, le petit bout de calandre me reste dans les doigts... Super.
Lorsque j'avais demandé "comment ça s'ouvre" chez Volvo Valence, on m'avait répondu, "ça ? T'as pas besoin d'y ouvrir..." à la rigolade.
J'entre sur le bateau en marche avant, en passant tout doucement le vertigineux dévers de la rampe, je fais demi-tour à l'étage pour m'aligner bien droit devant les ouvriers qui me regardent faire. J'appréhendais, je m'en sors bien, il faut dire qu'il y a de la place : nous ne sommes que 3 chauffeurs ADR.
Moi ; un Irlandais de chez Dixon ; un Roumain qui bosse pour un Hollandais avec tracteur Polonais et semie Allemande (diversité européenne dit-il en rigolant). Car nous nous retrouvons à bord pour partager une soupe, du poulet et des frites. Bonne ambiance : tous les deux sont bien sympathiques, nous discutons un bon moment, jusqu'à ce que les vagues commencent à faire tanguer sérieusement le bateau, et le mal de mer me donne le teint tout pâle, signe avant-coureur d'un grabeul imminent. (grabeul = vomis).
Je ne suis qu'un Kersauson de gouttière, vers 14h je vais siester pour oublier que j'ai la tête qui tourne.
Je me réveille à 16h30, la mer est plus calme, je vais prendre quelques photos sur le pont, affrontant le vent du large iodé avec ma capuche jaune fluo. Les mecs de l'équipage - apparemment Philippins -, ne sont pas courtois du tout : pas un mot sympa, pas un sourire, rien... on a l'impression de les faire chier. Les Russes de chez Cobel vous accueillent mieux que ça...
Nous arrivons non pas à Purfleet, mais à Tilbury. La rampe de descente est encore plus vertigineuse et j'implore une fois de plus ma suspension pneumatique : quelle merveille !
Me voici en bordure de Londres, j'entame une nouvelle période de conduite pour me rapprocher au plus prêt de l'endroit où je décharge demain : Kew Gardens, le jardin botanique royal, à l'ouest de la city. D'après François l'organisateur de ce transport, je peux m'y rendre dès ce soir, une très bonne nouvelle.
M25, A1, A406, voici ma route pour ne pas traverser Londres-centre. 1h30 de conduite stressante : j'ai du sel plein les vitres, du coup avec l'éclairage urbain ça devient opaque et je dois redoubler de vigilance au milieu de la meute d'excités qui rentrent au bercail.
Je trouve facilement l'entrée du Kew Garden, comme dans un rêve je peux me garer devant, sans gêner personne. Du coup, comme dans un rêve je peux manger mon chou-fleur en toute quiétude (j'ai des rêves bizarres). Et enfin comme dans un rêve 1h30 après avoir fermé ma cession, le gardien (un sympathique personnage) me fait bouger de 15 mètres car il y a une partie de la route qui est publique et une autre partie privée, m'explique-t-il. Même si je ne gêne pas il faut que je squatte la privée sous peine d'amende. Vive l'Angleterre.
Le plus incroyable est de non-seulement avoir dormi sur une place au calme dans Londres, mais en plus d'y avoir trouvé un réseau wifi accessible. C'eut été vraiment intéressant si je n'avais pas 7 jours de retard et 150 photos à trier pour ce qui s'affiche à l'écran, là, actuellement.
Je me réveille d'un bon, à 6h. Il faut que j'appelle mon Suédois pour lui dire à quoi ça ressemble ici. Je tire les rideaux, qui vois-je ? Lui-même. On l'attendait vers 7 ou 8h, il est déjà là. On est ponctuel de l'autre côté de la Baltique, et de la Saône. Le pire c'est qu'il a manœuvré à côté de mon camion sans même me réveiller. Ça en dit long sur ma capacité à déceler un éventuel acte de vandalisme noctambule. Passons.
Anto n'a pas la flemme de faire couler le café, lui. En effet j'ai tout ce qu'il faut dans la cabine, mais sur l'année 2014 j'ai du en faire une fois, ou peut-être deux...
Les premières lueurs d'une belle journée se lèvent sur le Royal Botanic Garden, le bien nommé Kew garden, dans lequel la Reine aime venir piquer ses bulbes de tulipes le printemps venu, tandis que son vieux fils préfère lui entretenir ses belles feuilles de chou.
Kew Garden, sur le site internet ça a l'air magnifique, sur place derrière la grille on ne voit pas grand chose. On devine des arbres multi centenaires, des couleurs mélancoliques, du gazon taillé de près, et des petits oiseaux qui chantent en anglais... mais on ne voit rien.
Bien que je ne sois pas pressé, car contrairement à Anto je n'ai pas démarré l'amplitude, lorsque l'équipe de François arrive, dans la bonne humeur comme d'habitude, c'est mon camion qu'il faut vider en premier.
Tout va très vite, nous sommes 7 ou 8.
Il est 8h et je laisse mon Suédois pour qui tout devrait aller très vite aussi, j'ai un second client à Southampton.
En partant du Kew Garden je suis du bon côté pour rejoindre le M3 tranquillement tandis que dans l'autre sens le bouchon pour accéder au centre est interminable.
Les premières couleurs du jour étaient belles, mais très vite il fait moche... et il pleut ; un temps typique d'outre Manche : ciel tout blanc et pluie froide.
2 heures plus tard je suis sur place, dans l'enceinte du grand complexe pétrochimique de la côte d'Azur Anglaise, à deux brasses de L'île de Wight où Jimi Hendrix fît des étincelles devant un parterre de hippies, en 67, 68 ou 69 je ne sais plus.
Et si ça se trouve le vieux qui me décharge y était ? Avec 30 Kg de moins et le signe peace&love sur le front ? Et si ça se trouve...
Rien à recharger de ce côté-ci, Julie m'indique de revenir en France via Calais pour 3 ramasses prévues demain.
Je roule donc tranquillement, je m'arrête manger sur un parking qui jouxte l'A326... ce genre de parking qui s'appelle "refuge" en France et sur lequel on n'aime pas s'arrêter, mais ici c'est juste une aubaine d'en trouver un !
Je traverse Londres sans trop d'encombre, et roule vers Douvres parmi les Hongrois, les Roumains, les Bulgares et j'en passe : les nouveaux spécialistes du transport routier transmanche.
Sur le bateau je retrouve Stéphane de chez Burgundy pour partager quelques anecdotes.
Je suis garé devant la porte, je ressors donc du bateau en premier.
Je roule jusqu'à Arras et cherche un coin dans la zone actipole pour me poser, je ne trouve pas. Il y a bien le centre routier pas loin mais j'ai quelques remords à squatter un parking sans aller manger. Alors je finis dans un cul sac, avec un Roumain de chez Vos en voisin de palier, à deux pas des transports Guidez - ce qui me vaut un spectacle digne d'un documentaire animalier : regarder partir les camions en tournée toute la soirée à une cadence effréné, telles des abeilles quittant la ruche, avec parfois quelques bourdons, des affrétés de passage avec leur Scania à échappement libre.
Sur le papier cette semaine peut se terminer tranquillement : 3 chargements à faire et retour à Mâcon. Seulement ça se passe rarement comme sur le papier... auquel cas je ne ferais pas de carnet de bord.
Dès ma première ramasse ça sent mauvais : J'ai soi-disant rendez-vous à 9h pour charger, et la consigne de ne pas y aller plus d'une demi-heure avant. Lorsque je me présente, à 8h45, le quai expédition est occupé par un anglais, on m'indique le parking d'attente. 10h, le quai se libère, j'y recule la remorque. Lorsque j'entre le mec s'en va en m'indiquant que c'est la pause. 10h30, bon sang déjà 10h30 ! Le mec revient et m'explique qu'il n'a pas le droit de charger car il y a un problème informatique... (reste zen mon Ray)... les palettes sont bien là, devant moi, mais il faut encore et toujours attendre. Je quitte cet endroit merveilleux à 11h et fonce vers un autre endroit merveilleux : une plateforme de groupage à Roye.
L'an dernier j'ai investi dans un magnifique blouson jaune fluo, quitte à revêtir l'apparence ringarde d'un fonctionnaire de la DDE, par exaspération devant toutes ses boites où l'on ne jure que par le protocole de sécurité, en particulier par le gilet fluo.
Je ne pensais pas cela possible, Norbert l'a fait : Oui, aujourd'hui, pour accéder au quai de l'enseigne nationale, on m'a imposé de mettre un gilet fluo par dessus mon blouson fluo. Ce n'est pas une blague : les chauffeurs doivent porter du vert fluo, je suis en jaune.
Voilà où l'on en est en 2014. Il y a des gens qui rivalisent d'imagination pour interdire et moraliser, dans toutes les boites de tous les pays où je vais, et ces mêmes gens tolèrent parfaitement que la plupart des chauffeurs vivent des semaines entières loin de chez eux, dans précarité, heureusement avec des gilets vert fluo sur les quais merde quoi !
Dernière ramasse à Compiègne. Il flotte, je me fais tremper ne serait-ce que pour décrocher la remorque. Mes chaussures prennent l'eau, le frein de parc ne cesse de se mettre en sécurité : un coup par ce que la porte est mal fermée, un coup parce que la vitesse est enclenchée... plus énervant c'était difficile à concevoir, les ingénieurs Volvo l'ont fait, peut-être même avec deux gilets fluo sur le dos...
Bref, je termine cette semaine de sale humeur, le fait est que sur le papier c'était tranquille, et concrètement c'est foireux.
Il s'agirait d'arrêter de se plaindre... je rentre, c'est déjà bien. A moins que je ne tombe sur le tigre signalé dans les environs de l'A4, près de Meaux, ce qui me vaudrait une belle photo de carnet de bord...
Je descends en mode éco et surtout no-stress jusqu'à Mâcon : calé à 83, pour ne pas rouler dans les portes des autres sans arrêt et sous le déluge. Cela me fait perdre à peine 6 minutes sur le GPS, j'arrive chez les routiers Bretons à 22h30, fini.
Le toit de la remorque est ouvert. Voici ce que j'aperçois de loin en marchant vers le camion. Ce week-end n'a pas été particulièrement venteux, je m'interroge.
Je jette mes affaires dans la cabine, je prends mes gants, ma barre de toit dans le porteur et je vais ouvrir la remorque. Surprise ! Il y a une poche d'eau en suspension au plafond (voir photo ci-contre, la bâche est tendue comme une pommette de Bogdanov, c'est à se demander comment ça tient.
Bien... je constate déjà quelques dégâts, notamment une traverse tordue. Il faut vider toute cette flotte et je ne sais pas comment faire. Heureusement, les palettes au sol sont protégées par un film en plastique rigide, ça ne craint pas l'eau. En tirant sur la pliure du côté droit j'arrive à en faire couler un bon tiers. Pour le reste je me demande toujours comment faire. En poussant par dessous je risque de percer la bâche, et au passage de prendre une sacrée douche. En faisant un tour de la cour je risque de faire sortir les roulettes du rail, façon Ile d'Oléron... Je tente diverses techniques sans succès. Quelques routiers bretons passent, personne ne vient proposer son aide : la fameuse solidarité entre routiers...
Finalement c'est en montant sur ma barre d'arrimage et à l'aide de mon épaule robuste que je vais réussir à vider la poche, laborieusement. J'en ressors trempé de la tête aux pieds en passant par les gants et les chaussettes.
Que s'est-il passé ? Je n'en sais rien. L'eau a dû s'accumuler dans la bâche détendue depuis la dernière galère, formant une poche dont le poids a fini par soulever la traverse arrière et la ramener vers l'avant, la poche devenant de plus en plus grosse et lourde. La sécurité rajoutée chez Jarjat ? Elle n'a pas tenu.
Je démarre donc cette semaine en fanfare, j'ai réussi à refermer mais l'arrière du toit est bien déformé.
Je mets le contact : "alerte liquide de refroidissent bas". Encore... cette fois c'est sûr il y a une fuite. Le niveau est 1/2 cm sous le minimum. Je rajoute 1L d'eau et je pars vers Grenoble.
3 livraisons à faire sous un temps merdique à souhait.
Le premier est à Veurey, à décharger dehors, toujours sous la mousson iséroise.
J'ai déjà changé de chaussettes une première fois et je me résous à garder les pieds mouillés, compte tenu que mes chaussures sont de toute façon trempées.
Deuxième clients en plein centre, j'y vais avec la remorque que je décroche à moitié sur la route, façon gros bourrin, Je vide l'intégralité du porteur, je raccroche et je file à Echirolles.
Dernière livraison chez le célèbre fabricant de pelleteuses grenoblois. J'ai RDV à 13h30, cela me laisse le temps de manger et de boire un effroyable jus de chaussette au distributeur.
Il faut être patient ici, le protocole est pointilleux : il faut rouler avec les warning, il faut porter des lunettes de protection... on se demande à quoi ça sert mais on s'exécute...
Ils ne veulent pas me décharger par le côté, ils pourraient pourtant le faire, mais non... il faut que je recule à un quai muni du légendaire système de calage automatique par butée amovible : la pire invention qui soit, sorte de guillotine pour carrosserie avide d'ailes et de bavettes trop basses.
En levant à fond la suspension, le système frotte les ailes sans les abimer. C'est juste...
Je suis vide à 13h45. Je vais charger à La Terrasse. Je reviens ensuite sur Grenoble pour aller chez Volvo.
Après Volvo Bourges, Volvo Chambéry, voici Volvo Grenoble, toujours pour le même problème : le camion perd du liquide de refroidissement. Quelle n'est pas ma surprise d'entendre le chef d'atelier me dire que c'est normal, que c'est un problème récurent, que beaucoup des FH qu'il a vendu roulent très bien comme ça... J'ai beau lui expliquer que c'est mon troisième passage au garage, que j'ai rajouté 1 litre la semaine dernière et 1 litre ce matin, que le niveau était très en dessous du mini etc. etc. Non, d'après lui rien d'alarmant, il envoie un de ses mécanos regarder le niveau (camion à chaud, donc niveau haut) et le résultat conforte son jugement, c'est un peu :" bah vous voyez ? C'est tout bon ?" Et moi je lui réponds qu'à froid le niveau ne cesse de baisser - il s'en fout - rien d'alarmant
J'ai bien compris qu'il ne souhaitait pas s'emmerder avec mon problème, et qu'il me prend pour un imbécile de routier. Je repars de là-bas complètement énervé avec un bidon de deux litres de liquide... voici la solution qu'on me propose chez Volvo Grenoble : continue à mettre du liquide et va faire réparer ailleurs. Pour information mon camion est en "contrat gold", le fameux contrat qui permet d'être pris en charge dans n'importe quel garage Volvo, peu importe le motif. Entubage garanti.
Je rentre à Jarcieu. Cette journée n'est définitivement pas la mienne : au dépôt Stéphane me propose un tour de Portugal... oui de Portugal ! Et bordel de nom de Zeus ce week-end je ne peux pas ! Je n'ai jamais été au Portugal en camion, j'ai carrément envie d'y aller, et comme par hasard ça tombe ce week-end ! Ce week-end où j'ai quelque chose de prévu ! Je suis dégouté.
Du coup demain je charge à Saint-Clair-Rhône pour Givors... c'est pathétique.
Et en plus je refourgue le bébé à Phil26 qui avait peut-être lui aussi un truc à faire ce week-end et qui se dévoue malgré tout...
Bref, je tente d'arranger mon toit de remorque, sans succès. J'abandonne, j'arrête tout, je ne fais ni les plein, ni le lavage, ni rien du tout, je ne roule même pas jusqu'à St Clair, je coupe ma cession, et j'abdique pour aujourd'hui. Demain sera un jour meilleur.
J'ai sorti le quatre quarts "Bonne Maman" pour en faire profiter à Dédé et Christian, nous déjeunons dans la cuisine, au dépôt, il est 6h30. A trainasser j'en oublierais presque le programme du jour : mon aller-et-retour Saint Clair - Givors. Je décolle à 7h15, il reste moins d'un quart de gasoil à la jauge, ça devrait suffire.
Chargement à 8h, Saint Clair du Rhône. Il n'y a pas grand chose, je pourrais tout mettre dans le porteur mais j'ai l'esprit sportif : je présente la remorque à quai.
8h30, c'est parti. Je sors la carte d'Europe et je cherche Givors. Ok, ça devrait passer en moins d'une période, peut-être même en moins de 4h30, voire en en moins d'une heure.
45 minutes plus tard j'y suis. Bleu de travail, casque sur les oreilles, je remplis la fiche d'enregistrement pour décharger et recharger sur place.
Pour vider c'est facile, vu qu'il y a trois fois rien. Par contre je recharge complet, au tire-pal manuel. Stéphane m'avait dit de prendre l'électrique : en semie c'est bien... mais en camion-remorque ça prend vite trop de place.
10h50, je retourne à St-Clair. Je décharge avant midi, pour recharger il faudra attendre 13h30, la pause c'est la pause. Soit. J'ai le temps de manger et de jouer un peu de guitare, ce qui ne manque pas de faire revenir la pluie.
14h, j'ai mes palettes dans la remorque, je file en direction du dépôt. J'y fais ma quatrième mise à quai du jour et je saute dans une bagnole pour aller à la médecine du travail de Beaurepaire : j'ai RDV pour la traditionnelle visite médicale, le contrôle technique du chauffeur.
15h, je patiente dans la salle prévue à cet effet. Sur la table il y a des magazines de décorations datant de 1996... On a presque envie de les voler pour les refourguer à des collectionneurs sur le bon coin. 15h20, c'est mon tour. L'œil est vif, l'oreille affutée, le poil brillant... nous avons là un chauffeur routier en bon état de marche, allégé de 6 Kg depuis la dernière visite. Les restos routiers se faisant de plus en plus rares.
De retour à Jarcieu j'ai pour consigne de remonter à Vernoux en Vivarais pour nouvelle réparation de ma remorque.
J'entends déjà les mauvaises langues dire : "bah de toutes façons il l'a fait exprès pour retourner chercher du saucisson, et pour se faire payer à bouffer" ; je répondrai : oui, tout est calculé.
J'ai lavé, j'ai fait le plein et je roule en direction de chez Jarjat.
J'y arrive à 20h, Michel, le chef d'atelier est revenu pour m'ouvrir la grille. Je décroche à l'intérieur et repars illico pour... Saint Clair du Rhône.
J'ai les heures pour y arriver. Au centre du village, on a posé des quilles devant la route d'accès au parking PL, on se demande bien pourquoi. Avec mon tout petit porteur je peux me poser sans problème.
Au loin la fumée épaisse du complexe chimique pollue l'atmosphère, c'est à se demander de quoi se nourrissent les cépages si réputés de Condrieu et autres Côtes Rôties qui sont là, juste en face ; tantôt intoxiqués par Feyzin lorsque le vent vient du Nord, tantôt par Roussillon lorsque le vent vient du sud, tantôt étouffé par le site des Roches lorsqu'il n'y a pas de vent. Et les meilleurs œnologues se disputent pour savoir si oui ou non on y retrouve un petit goût de cassis...
Je vais boire mon café au bistrot du coin, j'achète deux pains au chocolat à la boulangerie, Dieu que la vie est facile en porteur.
Comme hier je me présente à 8h pour charger, comme hier je charge pour Givors, comme hier je décolle à 8h30, et comme hier j'y suis à peine une heure plus tard. Mais la même journée qu'hier s'arrête ici : Je ne recharge pas sur place, je vais à Genas, un complet m'attend, c'est à dire 16 palettes Europe. Je ramène le tout au dépôt, je vide et surprise ma nouvelle mission consiste à aller charger à.... à.... ben quoi c'est pourtant facile ?.... à Saint Clair du Rhône, entre Séville et Stockholm.
J'y retourne, j'y fonce, je vais bientôt claquer la bise au gardien si ça continue... cette fois je recharge non pas pour Givors, mais pour revenir à Jarcieu.
Je vide à quai. Apparemment ma remorque est prête chez Jarjat.
En porteur, à vide, sur le sec, la monté à Vernoux en Vivarais ne dure pas très longtemps. On a rajouté une nouvelle fermeture pour mon toit de remorque... la troisième. "Et si ça s'ouvre là..." me dit le chef. Bah si ça s'ouvre je reviendrai...
Je redescends. Je reviens au dépôt.
"décroche et porteur au quai 5". Voici le SMS...ma clairvoyance me laisse clairement voir venir le chargement de bigbag pour les fermes du 38.
Bingo, c'est bien ça : complet d'engrais pour la mystérieuse confrérie des paysans de Saint Marcellin qui utilisent tous le même produit.
C'est Franck qui charge, il est tard et je ne l'embête pas à tout mettre sur palette, j'embarque juste deux grosses cales en bois à Dédé pour réduire la hauteur des hanses.
Je repars avec 9 lettres de voitures, je roule tranquillement jusqu'à Romans, je me pose dans la zone sous un lampadaire et près de la boulangerie.
Je traverse la route pour rendre visite à Marie Blachère, je petit déjeune avec pour fond sonore la matinale débile de virgin radio et devant moi la file d'attente d'ouvriers qui veulent leur pain au chocolat. Il est 7h à Romans.
Je ne démarre pas trop tôt, j'attends que le jour se lève, il y a déjà le brouillard épais on ne va pas ajouter à cela la difficulté de chercher les fermes de nuit.
7h15, j'appelle le premier client, Saint Lattier, c'est parti. D'abord il m'explique l'itinéraire par téléphone, puis il m'annonce "je viens vous chercher, avec le brouillard vous allez galérer". Sympa ! RDV à la supérette Vival, puis il m'ouvre la voie sur une piste sinueuse avec visibilité ultra réduite, et déjà quelques arbres...
Le bigbag est sur une palette, je la sors au hayon et la plante directement dans la terre faute de mieux. Mon camion a attiré le grand-père, avec sa canne et son vieux clébard, il analyse et commente tout, l'air satisfait de voir de l'animation dans sa cour aujourd'hui.
Deuxième livraison à Montagne. Oui "Montagne" : on ne s'est manifestement pas foulé pour choisir le nom de cette commune. Et pourquoi pas "Forêt", ou "Rivière" tant qu'on y est ?
Le mec au téléphone est bizarre, il ne parle pas, ne répond pas à mes questions, il a l'air ailleurs, il a l'air bourré. Pour trouver la ferme je m'en remets au GPS qui n'est pas le meilleur allié dans ce genre de bled pommé. J'y vais à tâtons, m'arrêtant regarder le nom de la boite aux lettres à chaque ferme. J'arrive à destination, malgré le brouillard angoissant, pile au moment où le paysan partait à ma rencontre avec sa bagnole. En le regardant faire sa marche arrière je n'ai plus aucun doute : c'est sûr, il a un coup dans le nez l'ancien. Comme au téléphone, il est du genre taiseux dans la vraie vie. Il décharge avec la fourche de son tracteur, en manquant à 3 ou 4 reprises de m'enfourcher le toit - auquel cas je gagnais un nouveau voyage pour Vernoux-en Vivarais.
Sur la route de Saint-Appolinard, pour ma troisième livraison, je me retrouve à devoir casser des branches à la main dans un mauvais virage, un pied dans le camion - l'autre dans le vide poche de la porte ouverte. C'était ça où de belles rayures. Je me retrouve ensuite nez à nez avec la camionnette du boulanger, ce qui l'oblige à taper une marche arrière sur près d'1Km, la route étant vraiment trop étroite pour se croiser.
Me voici sur les hauteurs du Dauphiné, bien au soleil et surplombant l'épais manteau de coton de la vallée de l'Isère. Je décharge chez un jeune exploitant sympathique.
Etape suivante : Deux fermes à Tèche. Chacun des paysans me demandant respectivement ce que l'autre à pris en quantité... on se renseigne, on s'observe, on s'épie.
Je remonte ensuite vers la ferme la plus paumée du jour : au fin fond de nulle part, sur la commune de Serre-Nerpol. L'endroit eût été inaccessible en semie ou avec ma remorque, c'est un peu "la petite maison dans la prairie" sauf qu'il s'agit d'une grosse bâtisse et qu'on est à la montagne ; il y a les chèvres, le tas de bois, Charles Ingals... tout y est. On imagine qu'il fait bon vivre ici, on a envie d'aller courir dans le pré et de se vautrer comme la gamine du générique...
Je redescends en évitant tant bien que mal toutes ces branches de tous ces arbres qui bordent les petites routes étroites. Livraison à Albenc, les deux pieds et les quatre roues dans la boue.
8ème client à La Rivière. Oui "La Rivière", on ne s'est manifestement pas foulé pour choisir le nom de cette commune. Et pourquoi pas "Montagne" tant qu'on y est ?
Il s'agit d'une exploitation située en plein cœur du village, et je tombe dessus par hasard - le propriétaire étant injoignable par téléphone.
Il est midi et je suis plutôt fier de moi : J'en ai fait 8, il n'en reste qu'un seul, à Beaulieu. Le paysan me demande de ne pas venir avant 14h, parce qu'il a un contrôle sanitaire : apparemment si je débarque avec mes engrais ce n'est pas terrible...
14h j'arrive devant la ferme, j'aperçois les contrôleurs, j'attends sur la route. Il me faut attendre 14h30 pour les voir partir et que le type débarque enfin. Il me demande de rentrer jusqu'au bout, il y a un arbre, il me dit que ça passe, je dis non, il insiste, moi aussi. Du coup c'est lui qui vient chercher ses deux sacs, et peut-être parce qu'il est contrarié il me laisse une marque avec son chariot sur la barre anti-encastrement ce qui ne manque pas de me faire bouillir ; si j'avais su j'aurais moi-même été moins patient, et je n'aurais pas pris la peine d'attendre la fin du contrôle... trop bon trop con.
Vide et en porteur je file charger à Crolles, un premier lot, puis à Voreppe un second. Je ramène le tout à Jarcieu, quai 5, où je recharge... des bigbag d'engrais. Rien de difficile cette fois-ci : un seul client à Izeron.
Pour m'avancer je roule tranquillement vers Izeron où je ne trouve pas d'endroit pour me poser, bien que je sois toujours avec le porteur seul. Alors je continue jusqu'au village suivant où il y a un magnifique parking devant l'église.
Vers 23h, alors que j'entame ma très méritée gamelle de soupe, un mec étrange débarque dans le noir, sous ma fenêtre. Capuche sur la tête, poches sous les yeux, joues creuses et l'air sale, il me dit "salut", me demande ce que je fais là, me demande si je n'aurais pas un "truc à partager", me demande si je veux fumer avec lui... etc. L'objectif étant de le faire dégager sans pour autant le contrarier, je joue la carte sympathie naïve : genre "non j'ai rien, non désolé je ne fume pas..." avec le rictus benêt indispensable pour s'excuser de ne pas fumer.
Il finit par partir vers nulle part, dans le noir... Type chelou, à Cognin-les-Gorges, c'est parfois là où l'on pense être le plus tranquille que l'on fait ce genre de rencontre.
Bien entendu j'avais quelque chose à partager : du quatre quart "Bonne Maman", mais je le garde pour moi pour me défoncer en solitaire...
Une fois n'est pas coutume, j'aimerais ici faire un point tennis, et plus précisément coupe Davis. Ce matin "l'événement" fait l'ouverture des journaux sur France Inter, sur RTL, sur Europe1, partout. Le fait est, qu'apparemment ce week-end les Suisses rencontrent les Suisses en finale de Coupe Davis, et on veut à tout prix nous vendre ça comme un truc à ne pas manquer, comme un rendez-vous incontournable alors qu'Ibrahim Maalouf joue à Bourg en Bresse ce soir et ça c'est un événement incontournable ! A quoi bon nous emmerder avec une finale dont on connait déjà les vainqueurs ; les Suisses. Je suspecte je ne sais pression venue de plus haut, d'essayer par tous les moyens de créer un semblant de ferveur populaire autour de nos chers tennismen, en espérant qu'une éventuelle victoire redynamise le pays, le moral des ménages, la croissance, le pouvoir d'achat, la cotte de popularité de Hollande et qu'on vive enfin dans un monde meilleur sous la raquette de Tsonga, Monfils et Gasquet ; en mangeant des Kinder Bueno par milliers. Rien qu'à entendre les interviews désabusées, avec voix cassée et moult propos insignifiants dans mon poste, sur France Inter, ce matin, au réveil, j'en viens à rêver que Federer renvoie tout le monde à la maison à grand coup de 6-0.
Je m'égare. Ce CDB n'a aucune vocation à commentaire sportif, évoquons plutôt ces bons vieux bigbag à livrer dans une nouvelle ferme ce matin.
Il est 7h et je commence par un petit café au bistrot de la place de Cognin-les-Gorges. L'endroit le plus branché du canton de Vinay, the place to be, avec Bébert, Marcel et Jeannot au comptoir. Cool.
Je vais à Izeron pour 7h30. Difficile d'accès mais livraison au hayon sur cours goudronnée, parfaite pour faire un petit tennis.
Vide, j'ai pour mission d'aller faire une première ramasse à Saint Quentin Fallavier, puis une seconde à Satolas, zone Cargo de l'Aéroport St Exupéry.
Il est 11h30, je dois ramener le tout au dépôt, puis atteler ma remorque pour chargement 13h30 à Saint Maurice l'Exil. Un programme génial qui me laisse un laps de temps d'environ 0 minute pour manger. Nous sommes vendredi, je ne suis pas à l'autre bout de l'Europe - je tourne en rond en régional, et il faudrait que je tourne encore plus vite parce que tout le monde finit tôt le vendredi... c'est bon, ça me soule, je m'arrête prendre un sandwich et je mange à Cour et Buis. 20 minutes.
13h35, me voici à Saint Maurice l'Exil. Je charge la remorque puis je reviens compléter à Jarcieu. Ils sont trois à attendre au lavage, je fais le plein et je me sauve.
J'aurais dû couper à travers, je me cogne les embouteillages sur la rocade est.
19h30, la semaine est finie.
1h du matin, Routiers Bretons, le toit de la remorque n'est pas ouvert, il n'y a pas de mare de liquide de refroidissement sous le camion, la semaine va peut-être se dérouler à peu près normalement.
Je projette de décoller à 1h45, pour l'heure je me mets dans la couchette pour faire ma nuit, ma bonne nuit de 45 minutes avant d'attaquer la semaine...
1h45 donc, me voici sur le pont, aux commandes du vaisseau amiral, paré à l'abordage, prêt à en découdre avec l'A6... ce qui nous donne concrètement : régulateur de vitesse sur position "ON" dès l'entrée Mâcon sud, jusqu'à Courtenay - oasis dans le désert où le voyageur noctambule trouvera l'indispensable jus de chaussette amère qui lui permettra de continuer sa route.
Bien évidemment pour tenir il y a la drogue, et faute d'avoir suivi mon stage de prévention chez Saint Dominique Prudent j'en use et abuse : je me défonce à la musique, dans des quantités et des volumes exorbitants, enchainant les meilleurs albums des Cure pour arriver à ce paradis artificiel situé quelque part dans le Morvan, sur l'A6, seul, en pleine nuit et musique à fond. Le "Blast" du routier.
Je contourne la capitale via Melun-Meaux, N36. La simple évocation de la Francilienne ou tout autre axe sursaturé me ferait rendre mon jus de chaussette amère : je commence cette semaine à Compiègne, et pour aller mieux vaut contourner large.
J'avais RDV à 9h dans la grande usine chimique, je me présente à 8h50, professionnel, prompt, assidu, consciencieux.... et pas très frais. Le protocole est long comme le bras, avec visionnage de vidéo, interrogation écrite, et tout et tout. Je rentre sur le site, nous déchargeons la remorque, 10h20 je ressors.
Deuxième livraison à Crépy en Valois. Je traverse la forêt de Compiègne tandis que de gros gars à moustache sont en poste avec leur gilet fluo à l'orée du bois pour traquer le cervidé, ou le tigre, ou le chat ? Aucune balle perdue ne vient percer ma bâche de toit, j'arrive chez FM Crépy, encore une fois pile dans les temps : 10h50 pour RDV 11h. L'entrée a changé depuis mon dernier passage ici, et puis on a refait le marquage au sol du parking pour stocker encore plus de Trota, Girteka et autres Primafrio.
Plus d'une heure à m'impatienter sur le quai sur sortir 6 palettes.
Dernière livraison à Rantigny chez un transporteur, pas de RDV. J'y arrive à 13h30 et on refuse de me décharger car il manque un document de douane. Vendredi lorsque j'ai chargé, on m'a confirmé plusieurs fois que j'avais tout... et me voici planté. J'appelle directement de donneur d'ordre et rien ne se passe parce que c'est la pause. Je suis manifestement le seul crétin à me faire du souci en permanence... autant en avoir rien à foutre et prendre moi-même ma pause. Je rappelle après 14h, personne n'a transmis mon problème comme on me l'avait gentiment suggéré... Mais je finis par m'en sortir et par tomber sur la bonne personne qui "s'excuse vraiment d'avoir oublié de me donner les papiers vendredi"... bon... ça va.
14h30, vide à Rantigny. Stéphane m'envoie un chargement à Moissy-Cramayel, avec possibilité de charger dans la nuit, vu qu'il s'agit de La Poste. Je n'ai plus qu'à trouver un bon coin pour me mettre en coupure. Et je ne trouve pas avant d'avoir passé 9h de volant... alors je continue, et finis sur un parking de la N36 avec 9h50. 16h25, fin de la journée.
Parfois il fait bon couper au beau milieu de nulle part, sans lampadaire : un mal de ventre soudain au réveil, des boyaux qui se contractent violemment à s'en tordre sur le siège, un rouleau de sopalin à porté de main... et au final une urgence parfaitement maitrisée, avec toutefois la légère appréhension de faire mon affaire là où l'on cherchait un tigre il y a moins de deux semaines. Il s'agirait de ne pas faire la une des journaux avec le froc déchiré.
1h30, c'est parti, ne coupons pas un si bon rythme de conduite nocturne. Je vais charger à Moissy-Cramayel, nom de commune vraiment étrange, on a l'impression de le dire en bavant du yaourt : "Moissy-Cramayel"...
L'activité bat son plein sur la grande plateforme de colis postaux de la zone Chanteloup : les gardiens viellent au protocole, les tracteurs de parc enlèvent puis remettent des fourgons Coliposte à quai dans une chorégraphie millimétrée, par les hublots de porte on aperçoit des tapis roulants sur lesquels passent des cartons à toute vitesse, dans tous les sens, pour aller on ne sait où. Ici se concrétise autant de transactions, d'achats, de ventes, de clics, de bon coin, de fnac, de cadeaux d'anniversaires et autres colis pour la grand mère, dans une orchestration pharamineuse dont je me propose d'être le vecteur, en me présentant aux quais 34 et 34bis.
Deux quais pour charger c'est fantastique. D'autant que ça va très vite : j'ai à peine fini de préparer mes câbles TIR que j'entends les ponts se relever. Parfait.
Au bureau il y a un agglutinement devant le comptoir : tout le monde à l'air de se connaitre, Prévost, CGVL, TEE, Chalavan&Duc - ils doivent tous à peu près faire des lignes régulières.
Je pars à 3h30, direction Saint Laurent de Mûre.
Tout droit, sur l'A6, dans la nuit, même topo qu'hier avec tout autant d'addiction musicale qui fait de moi un véritable junkie.
Pour autant je ne tiens pas la forme des grands jours, jusqu'à ressentir un gros coup de barre passé Avallon. J'avais prévu la douche à l'aire de la forêt, ce sera finalement la sieste ; à défaut d'arriver propre à Saint Laurent de Mûre j'arriverai tout court.
Je me demande si ce ne sont pas ces effroyables jus de chaussettes qui ont occasionné le trouble de la nuit dernière... Il n'y a vraiment pas de café potable dans les stations d'autoroutes françaises.
Le jour se lève sur le brouillard du Val de Saône, j'arrive à destination à 9h45, on m'attribue les quais 8 et 9. Ici encore, deux quais pour vider, c'est parfait.
Par je ne sais quel mystère il n'y avait aucun camion à mon arrivée, et soudain, tout le monde débarque en même temps : tous les Prévost, CGVL, TEE et autres Chalavan&Duc s'entassent dans la cour, devant les quais, en grinchant parce que moi j'en ai deux...
Je quitte cet endroit suffocant au plus vite, retour Jarcieu à vide.
Il est midi, je suis au dépôt, je fais mes pleins, je prends ma douche, je mange, je fais la vaisselle et je pars charger des arbres chez Guillot Bourne. Complet de pots sur palettes, facile, je prends tout de même le temps de sangler, puis je m'en vais directement en direction de Clermont Ferrand.
Je roule jusqu'à Andrézieux Bouthéon, faute de mieux j'échoue dans une zone industrielle avec 8h59 de volant... l'essentiel étant de trouver un endroit à peu près tranquille pour une grosse coupure.
Il est 5h, Régis, s'éveille. C'est parti pur Clermont-Ferrand gare.
J'ai conclu le RDV avec les paysagistes pour 7h45.
Dès 7h25 je me retrouve Rue de l'Union Soviétique, sur les voies de bus, devant le parvis de la gare sur lequel je ne peux accéder. Il y a des barrières et des plots partout, je suis contraint de tracer ma route, toujours via les voies de bus, avec les warning pour faire comme si j'avais le droit...
Par chance je peux squatter des aires de stationnements "dépose minute" Rue Anatole France, de l'autre côté des rails. Je pose le camion, il ne gène pas, je reviens à la gare à pied pour attendre les paysagistes.
Juste en face il y a un bar-tabac, va pour un petit café.
Les étudiants vont en cours, les balayeurs balaient, quelques nuées de voyageurs débarquent par intermittence, et soudain voici la camionnette tant attendue des professionnels du paysage. Je peux aller chercher mon camion.
On m'ouvre en amont, et de remonte le parvis en marche arrière devant quelques regards curieux de badauds qui se demandent bien ce que je viens foutre ici. Lorsque nous commençons à décharger, des anciens se postent carrément derrière les grilles, pour analyser notre travail... c'est manifestement passionnant.
Il faut plus d'une heure pour décharger, et une heure supplémentaire pour enlever les pots des palettes - car je dois récupérer ces dernières.
Cela me laisse le temps de retourner boire un café... passé de 1 euro à 1, 40 euro car " nous ne sommes plus en heure d'arrivée des trains" dixit le barman.
Je décolle à 11h, direction Ambert.
Ambert, capitale de la fourme et non pas du camembert. Ambert, patrie d'Henri Pourrat et non pas de Bernard Peutetrepas. Ambert, ville d'Alexandre Vialatte dont on ferait mieux de lire les chroniques plutôt que de perdre bêtement son temps avec des calembours à deux balles... Ambert, ce midi, et une usine fermée qui rouvre à 14h.
A 14h donc, lorsque je me présente pour charger, personne ne sait de quoi il s'agit, et une demi-heure plus tard je repars bredouille avec mon avis de passage, car personne n'a décidément trouvé de quoi il s'agissait.
Je vais à Montbrison, via le col des Pradeaux et le col de "La croix de l'homme mort".
D'une fourme à l'autre il n'y a qu'un pas, quelques virages, une croix, un homme mort.
On me fait attendre pour charger. Je suis pourtant pressé : ce soir arrive en gare de Péage de Roussillon un journaliste de Télérama, Marc de son prénom, venu de Paris pour m'accompagner en Espagne cette fin de semaine.
Je rentre donc à Jarcieu au plus vite, je décharge puis recharge le camion, saute dans une bagnole, et pars chercher Marc.
La nuit fût courte. Il s'agirait mettre notre journaliste directement en conditions. Hier soir nous avons fait présentations en lavant le camion, en faisant les pleins ; le temps à passé et au moment de se coucher il a fallu programmer le réveil pour trois heures plus tard.
Marc débarque avec la volonté de vivre en totale immersion dans la vie d'un routier, afin de produire son reportage. Cette démarche est pour le moins courageuse, et je ne peux que l'approuver. En effet malgré mes multiples mises en garde concernant la forte probabilité de se doucher dans des endroits infects, de faire ses besoins en apnée, et de se nourrir de maquereaux tiède... bref la vraie vie quoi... malgré tout cela il débarque avec un enthousiasme plaisant à voir et je ne doute pas que le fruit de son travail sera de qualité.
Les médias s'intéressent à notre triste destinée, ne ratons pas le coche.
4h, nous nous réveillons, car oui, Marc tient aussi à dormir dans le camion. Certes ce n'est pas très confortable de se retrouver à deux là dedans, qui plus est lorsqu'on ne se connait pas, mais l'investigation n'en sera que d'autant plus riche. Inutile de préciser, à l'attention des plaisantins et autres railleurs, qu'il inaugure la couchette du haut, tandis que je squatte ma tanière en bas.
4h15 café, 4h30 on se casse. Direction l'Espagne, 4 livraisons entre Figuérès et Peniscola.
Toujours pour le mettre dans le bain direct, je commence par une période de 4h28 de conduite continue qui nous amène sur l'aire de La Palme où une coupure d'eau générale nous prive et de café, et de toilettes. Bien joué Régis, c'est toujours le bon plan de partir avec toi !
Par chance l'eau revient avant que nous partions, de quoi satisfaire autant d'envies plus ou moins pressantes.
45 minutes après notre arrivée, c'est reparti.
Mon premier client est une coopérative fruitière des environs de Figuérès. Facile à trouver, facile pour se mettre à quai, je tente une route différente pour en repartir et retourner vers l'AP7. Malheur, sur cet itinéraire il y a le village de Vilamacolum, et malgré aucune signalisation en amont - hormis un panneau qui interdit de tourner à gauche -, ça ne passe pas en camion, ni à gauche, ni tout droit. Je recule sur une centaine de mètres pour vite désencombrer la rue avant que d'autres véhicules n'arrivent ; j'aperçois un vieux sur le bas côté, je pars consulter son avis sur "comment se sortir de cette merde", il m'indique de prendre à droite et de faire demi tour plus loin pour repartir par où je suis arrivé.
Bénit soit ce vieux. Je parlais justement des vidéos de camions en difficultés qui inondent les réseaux sociaux... j'aurais pu moi même en faire l'objet aujourd'hui.
Nous partons vers Paret del Vallès. Sur les conseils avisés de mes deux mentors en "conduite de camion sur route espagnole", à savoir Phil et Alain26, je trouve mon client sans peine. Nous cassons la croute en attendant la place à quai, pas de temps à perdre, nous sommes bien en conditions réelles.
Le troisième client se situe au sud de Manresa, à Castellgali. J'y arrive avec 8h55... le temps de rouler dans l'usine, de me mettre à quai, de sortir du quai, de décrocher, de me remettre à quai, d'en ressortir, de raccrocher et d'aller jusqu'au parking à l'entrée de la zone... je clos ma session avec 9h15. Dommage.
Cependant on nous a autorisés à prendre une douche à l'usine, "en 5 minutes maxi" parce qu'ils fermaient. Nous voici en coupure, dans la boue du parking, à côté d'un camion Bulgare : une aubaine pour notre reporter qui réussit à établir la discussion en anglais.
Après une séance de travail sur nos PC respectifs, lui a décrypter ses enregistrements, moi à écrire mes aventures, après cela donc nous partons à la recherche d'un restaurant. Nous marchons un bon moment dans les environs de Castellgali pour finir dans un troquet vieillot, au bar, avec une bière et un sandwich à l'omelette, content d'avoir tout simplement trouvé quelque chose.
Il a plu toute la nuit, parfois violemment. Nous partons à 5h. Reste une livraison avant rechargement dans les environs d'Alicante. La fin de semaine s'annonce tendue, j'ai déjà fait une croix sur l'éventualité de rentrer à Mâcon en camion, j'imagine encore arriver à Jarcieu.
La discussion est riche et interminable de bon matin avec Marc. Pour une fois qu'une oreille attentive se propose de recevoir toutes mes complaintes, toutes mes anecdotes, toute ma verve, pour une fois : je parle tellement que c'est bien simple, nous n'avons pas entendu l'autoradio depuis le départ.
Nous nous arrêtons prendre un café après deux heures de route, puis nous roulons jusqu'à destination : Peniscola, ultime livraison.
Non je ne ferai pas de mauvais jeu de mot au sujet de Peniscola, en disant par exemple qu'il s'agit d'une nouvelle boisson à bulles, ou que les habitants mâles, les Péniscolais, ont parfois du mal à se soulager... non...
9h, le camion est à quai, avec deux cales, des panneaux "interdit d'entrer" sur les portières, tandis qu'on m'a déjà piqué les clés : un exemple tangible de paranoïa sécuritaire pour Marc.
Nous repartons à vide vers Banyères, entre Valencia et Alicante.
Il fait toujours un temps maussade, parfois pluvieux, gris depuis hier matin. Dommage, les photos souvenirs n'en seront que moins belles.
Nouvelle rencontre sur une aire d'autoroute, pour notre interviewer : un chauffeur Polonais qui nettoie de fond en comble son Magnum ex-Interlégumes, tout en nous présentant la raie de ses fesses. Voir figure 1. Nouveau témoignage, sur un parking où seuls un Duarig et un StageTruck ne sont pas immatriculés à l'est.
Beaucoup d'autoroute depuis le départ, et puis enfin une belle portion de nationale, dans un décor sauvage, avec la perspective époustouflante sur le village de Bocairente en guise de cerise sur le gâteau rocailleux. Nous arrivons à Banyères en début d'après-midi.
Pas simple pour trouver l'usine de textile parmi toutes les usines de textile. Il me faut demander à quatre reprises, par appréhension de me retrouver planté dans une impasse comme hier.
13h30, c'est bon, j'y suis, on me reçoit pour me dire de revenir à 16h - c'est la pause de midi.
Pas de problème, c'est donc la pause pour nous aussi. Nous partons à la recherche d'une bonne table, à pied, en direction du centre ville. C'est qu'il faut un journaliste en copilote pour que je daigne enfin avoir une bonne hygiène alimentaire !
"Casa Toni" ! Restaurant qui ne paie pas de mine d'extérieur, mais qui mérite un triple A à l'issue de notre test gastronomique : super accueil, super assiette, pour 9 euros le menu (2 plats, dessert, café). Rien à dire c'est parfait, J'y repenserai les soirs de solitude devant ma boite de maquereaux.
Je recharge bien à 16h, des serpillières, quasi complet, c'est à dire de quoi combler moult ménagères qui s'impatientent déjà dans les environs de Mâcon. (ménagères mâles ou femelles bien entendu)
Le fait est qu'effectivement je recharge pour Mâcon, mais malheureusement je ne peux plus y rentrer ce week-end, quoi qu'il en soit, j'ai beau calculer et recalculer, j'ai beau envisager tous les scénarii possibles et imaginable, la RSE aura raison de ma fin de semaine.
Je me console en me disant que la présence de Marc tombe à pic, que son aventure en camion lui aura permis de voir concrètement nos problèmes... et son reportage n'en sera que plus juste.
Nous roulons jusqu'à l'aire de "Las Palma", je m'arrête avec 8h59 tout pile, pour la deuxième fois cette semaine.
Encore et toujours cette fichue pluie qui m'arrose sur le chemin de la station, ce matin à 5h, et tout cela pour rien en plus : cette dernière est fermée, pour le café il faut aller à l'autogrill - c'est à dire à l'autre bout... je renonce.
Je démarre tandis mon copilote reste dans la couchette pour continuer à dormir un peu. Seulement, perché tout là haut ça tangue comme dans une vieille guimbarde. Difficile de fermer l'œil. Et puis j'ai mis "pornography" l'album mythique des Cure, ça ne berce pas - ça capte l'attention.
Bref, Marc finit par se réveiller complètement et sortir de sa tanière vers 7h. L'objectif est alors de s'arrêter boire un café, et ce n'est qu'après trois tentatives que nous trouvons une place pour nous garer, sur une aire à l'entrée de Barcelone.
J'avais initialement prévu de ramener Marc à la gare TGV de Mâcon, puis, voyant l'évolution du programme j'ai envisagé de le déposer à Valence... ce sera finalement Montpellier. Quand à moi j'abandonne définitivement toute éventualité de retour au dépôt voyant que je n'ai pas gagné de temps sur le GPS - j'en ai même perdu.
Nous contournons Barcelone, remontons jusqu'à la frontière, toujours sous un sale temps qui ne nous aura pas quitté du voyage.
Seconde pause sur l'aire de Narbonne, à l'autogrill, pour déguster un sandwich. Car oui, à ce sujet j'ai changé mon fusil d'épaule : j'ai renoncé à faire prendre tous les repas en cabine à Marc comme j'en ai moi même l'habitude, c'est tellement plus contraignant à deux, voire invivable en terme d'organisation... Donc autogrill.
Les environs de Béziers sont sous les eaux, la vigne s'improvise plante aquatique, et il continue à pleuvoir.
Nous arrivons à Montpellier, ici s'achève cette sympathique collaboration, je laisse Marc près d'une station de Tramway pour qu'il puisse accéder à la gare. J'ai apprécié la qualité de l'échange, et ne doute pas du reportage à venir. Publication dans Télérama prévue début janvier.
Je quitte Montpellier et poursuis ma route en solitaire. J'hésite quant à l'endroit où choir pour ma coupure. Il me faudrait de préférence des toilettes, une douche, un supermarché, une place au calme sans voisins, cent balles et un mars. Difficile de réunir toutes ces conditions, il faut faire un choix. Alors par élimination j'opte pour les toilettes et la douche.
Ma semaine s'achève à Nîmes.
Grasse matinée sur l'aire de Nîmes Marguerittes. Quelques frigoristes Romano-Espagnol sont arrivés dans la nuit, et se sont posés avec les Bulgaro-Espagnols.
Sur ma droite il y a ce camion "Sesé". La pluie n'a pas découragé son occupant qui cuisine sous la bâche. En allant jeter ma poubelle j'aperçois qu'il est en train de couper une montagne de poivrons : sans doute cuisine--t-il pour toute la semaine... ou bien il s'agit d'un mangeur de poivron invétéré en pleine crise de fringale.
Par la sortie des employés et sous une bonne capuche, on peut fuir l'aire d'autoroute pour regagner la vraie vie, celle où l'on va faire ses courses chez SuperU. Je rachète de quoi remplir mon frigo et égayer mon repas dominical. Je reviens au camion à midi, toujours sous la pluie.
Tandis que je commence à peine à manger mon succulent duo : poisson pané - pommes noisettes, voici un camion français qui débarque sur le parking. C'est surprenant. Depuis hier après-midi je n'ai vu aucun camion français.
Il se gare pas loin, et, alors que je suis concentré sur mon repas je vois le chauffeur arriver. Par réflexe misanthrope, je me dis "ptain qu'est ce qu'il veut celui-là ; ptain je mange bordel; ptain ptain ptain..."
Et voici sous ma fenêtre Vincent, alias Vincent44 du forum, qui me se présente comme ça : "je lisais ton CDB il y a 1h et je tombe sur toi !???"
Je suis un énorme enfoiré... Parce qu'il est du genre vachement cool Vincent et le poisson pané - pommes noisettes peut bien attendre, ce n'est pas tous les jours qu'on fait une croisure.
Malheureusement le temps n'est pas de la partie, on discute un moment sous la bruinasse froide, puis on tente une photo.
Au final même si j'ai fait réchauffer ma gamelle, j'ai fait connaissance avec un lecteur de mon CDB, le seul français à être entré sur ce parking du week-end, une sympathique rencontre.
Je consacre mon après-midi à rien. Dormir, écouter de la musique, regarder dans le vide ; le cerveau en standby.
Le temps passe très vite, j'hésite à partir ce dimanche soir pour remonter à Mâcon... Je ne pense pas avoir le droit réglementairement, je n'en sais rien, finalement je reste.