Phil26, portrait

Prénom : Philippe
Surnom(s): Chevelu, Pénible…
Date de naissance : juillet 1970
Chauffeur depuis : septembre 1989
Différents métiers dans le transport : Baché, tautliner, Frigo, container, pulvé, plateau
Type de camions : Semi, camion-remorque
Marques favorites : Volvo, Daf, Scania
Marques detestées : AE Renault, Man, Mercedes
Citation personnelle : Il faut battre le fer quand il est chaud.

Mes plus lointaines livraisons :

  • Agadir (MA), chargement de tomates
  • Frovi (S), chargement de rames de papier
  • Drogheda (IRL), livraison d’une machine pour une imprimerie
  • Athènes (GR), livraison de poulet congelé
  • Hungaroring (H), livraison de carburants
  • Thurso (GB), livraison d’équipements electriques
  • Riga (LV), livraison de materiel de spectacle

En 2004, j’avais rédigé mon « portrait » de chauffeur, il était grand temps que je fasse un peu de ménage.
Contrairement à beaucoup de mes collègues routiers, je ne suis pas passé par la case « école de routiers », mais je suis tombé dans la marmite tout petit. J’ignore pourquoi. Mes parents se sont séparés alors que j’étais très jeune et très tôt j’ai eu la chance de voyager par la force des choses, j’étais toujours emmerveillé par les camions de l’époque. Je vivais au sud de l’Avenue Victor Hugo à Valence, près de la nationale 7, de la STEF. Mon grand père maternel était concierge aux Menuiseries Françaises, souvent les chauffeurs m’installaient dans leur cabine pour être sûrs qu’il ne m’écraseraient pas avec mon vélo ! Les paroles des chauffeurs Debeaux, des grumiers de chez ORARD resonnent encore dans ma tête, ils me racontaient des histoires, me parlaient de Paris, d’Italie et ça me faisait rêver.
Les chauffeurs Debeaux me faisaient monter dans leurs TR250 et m’expliquaient comment on se mettait à quai, et à quoi correspondait chacun des instruments de bord.

Ils m’ont expliqué aussi qu’on ne pouvait pas » faire la route » si on n’aimait pas ça, et qu’on pouvait gagner de l’argent mais qu’il ne fallait pas compter ses heures. L’amitié et la solidarité n’étaient pas des mots vains. Il m’arrivait aussi de faire des photos au bord de la N7 avec un « pocket », mais j’ai hélas tout perdu.

Grâce ou à cause de la revue France-Routiers, mon plus grand rêve à toujours été de partir loin. J’étais avide de grands espaces et de liberté. J’ignore pourquoi, mais le train train quotidien, une vie bien cadrée, m’aurait ennuyé. Mon père qui avait un peu le feu, m’emmenait souvent en « ballade », c’est comme ça que dès le début des années 70, j’ai vu plusieurs fois, le Maroc, la Hollande, la Belgique et surtout la provence et les retours souvent tout seul en train ou en avion, un début de mise en condition en somme.

L’école m’ennuyait au plus haut point, mis à part la géo, l’histoire et les cours d’éco. Je detestais le système scolaire, heureusement, il fallait prendre le bus, c’était le meilleur moment de la journée. Comme j’avais sympathisé avec quelques chauffeurs, il m’arrivait souvent de faire « craquer » les cours, et de me ballader avec certains chauffeurs avec qui je suis encore en contact aujourd’hui. Je peux le dire maintenant, mais il y en avait un assez fou pour me confier le volant quand le dernier client était descendu pour rouler jusqu’au terminus ! Les bus en boite automatique c’est facile ! Du coup j’ai eu la chance de conduire des BERLIET PR100 et des Mercedes 0305.

Dès que j’ai eu mes 18 ans, mes parents m’ont payé le permis B. J’étais alors en Terminale G1, secretariat, 30 filles 2 garçons, c’était le pied. J’avais choisi cette filière pour éviter un redoublement et vite sortir du système. Pour me faire un peu d’argent de poche, j’avais trouvé un job le soir. Et je suis rentré dans le monde de la livraison par la toute petite petite porte : le soir après les cours, je livrais des pizzas à Scooter. C’était génial, on se marrait bien, et surtout on finissait souvent en boite de nuit après le boulot, je loupais la plupart du temps les cours du matin, et je m’en foutais tellement… Au bout de quelques mois de livraisons de pizzas, une opportunité s’est présenté à moi, à savoir de la livraison en VL. Le seul problème c’était que le jour de l’embauche tombait le jour du BAC de philo. J’ai fait pile ou pile, et je suis rentré chez FRANCE ACHEMINEMENT ou après une rapide formation on m’a donné un Renault Master, j’avais un bon job. Je faisais 2 tours par jour dans la Drôme, je livrais pas mal de garage Peugeot. Ceux qui faisaient le centre de Valence croulaient sous le boulot, c’était loin d’être mon cas, si bien que souvent j’emmenais des copines avec moi et on allait se baigner l’après-midi dans la Drôme. Mais un jour, suite à un banal accrochage, ils se sont rendus compte que l’assurance ne marchait pas vu que je n’avais pas 3 ans de permis. J’ai été licencié.

Comme j’étais un peu en galère, je suis allé demander un coup de main à mon père, et j’ai passé le permis C. Au mois d’Août 1989 j’ai passé le code PL, et le permis avec Michel que j’ai revu en temps que formateur chez Chazot pour les conduites en FCOS. Comme nous étions très peu nombreux, nous avons passé la conduite sur un antique car Berliet, avec boite à crabots. C’était assez comique. Avec ma feuille rose, et mon permis C limité à 7t5, j’ai eu tout de suite du travail, dans une toute petite boite à Romans, LLTD. Il y avait 4 ou 5 camions et tous en régional. On m’a donné un Renault S170, un ancien des DSB (Les chemins de fer Danois) baché avec hayon et sans aucune explication, on m’a dit, RDV demain 5h chez Bonnardel à Valence pour charger du groupage pour Marseille. Du coup j’étais tellement heureux que j’ai été arroser mon premier camion en allant le montrer à tous mes amis autour de Valence, si bien que couché à 2h du matin, je n’ai pas entendu le reveil à 4h et que je me suis loupé en arrivant à 8h chez Bonnardel, ça a été ma première leçon ! Durant des années, j’ai révé la nuit de partir à bord de mon camion et de prendre mon ticket d’autoroute à Valence sud, le rêve est devenu réalité ce 29 août 1989. Je me suis bien galéré dans Marseille, ça été un vendredi mémorable ! J’ai quand même livré mes clients, mais je suis rentré à vide à Valence. La suite de ma prestation chez LLTD a été catastrophique, j’avais aucune notion de calage, d’arrimage. Mais j’étais à l’heure. Il m’arrivait parfois de devoir découcher, je dormais en boule sur le siège passager, un jour le moteur du S170 a cassé, et j’ai alors eu d’autres 4 roues, Mercedes 1922, Mercedes LP1113, et Renault S150. Petit à petit j’ai appris à caler les palettes, jusqu’au jour ou pour une fois c’était pas moi qui avait mal chargé, une palette de pinard s’est écroulée et mon patron m’a viré.

C’est pas mes camions vu que j’ai pas de photos mais ça y ressemble :

J’ai ensuite enchainé les missions interim, j’ai fait du quai chez Ducros messageries, déchargé des camions en vrac, roulé dans une boite pourrie en messagerie, les transports TRAM ou il y avait des camions plus vieux que moi comme des Bedford !!! Et puis j’ai rencontré Bibi. Elle vendait de la peinture dans un magasin en face de chez Mory, ou justement ils refaisaient les peintures, en vert et jaune évidement. Le gars du service entretien m’a alors pris avec lui, et si vous avez remarqué des coulures de peintures dans les chiottes de chez MORY, et bien c’était de ma faute !! De temps en temps je prenais un camion pour aller livrer ou faire quelques ramasses avec des IVECO Turbo.

Vint alors l’appel de l’armée, j’avais devancé l’appel, et grâce à un coup de piston, je me suis retrouvé au 516e Régiment du Train à Toul un 1er fevrier 1990. Il fallait prendre le train tous les lundis matin à 1h, essayer de dormir dans le couloir des wagons qui étaient bondé de bidasses. Mais on ne se posait pas de questions, c’était pour tout le monde pareil. A 7h on arrivait à la gare, et il fallait taper un sprint pour être à l’heure et en tenue à l’appel, ça rigolait pas, et ceux qui voulaient pas venir, ils réglaient ça avec la gendarmerie. Le 516e RT était spécialisé transport. Après 2 mois de classes à se les peler, j’ai été affecté au 101e escadron de porte chars. Nous avions des Renault R390, v8 bien sûr, attelés avec des porte chars NICOLAS de 3m10 de large, on partait en convoi de 17 chercher les chars dans les casernes pour les amener sur les camps d’entrainement. J’ai écumé les routes de l’EST, de Champagne et la nationale 4. Là, j’ai connu Tony Gabelle et Kamel Bouhamdani. On a conduit des Berliet TRH350, et TR280. C’est à l’armée que j’ai passé mon CFP transports, avec l’ADR et tout !

C’est encore une fois par connaissance que je suis rentré chez Michel Comte. J’ai su par une copine de ma femme que cette boite faisait des fleurs et partait un peu partout en Europe, ça m’a fait envie. Si bien qu’alors que j’étais encore bidasse, j’ai fait mon premier voyage pendant une longue « permission ». Avec un Turbostar 190.33 IVECO, j’ai descendu une remorque au port de Marseille, et j’ai rechargé à la « bourse » chez EGTL place de la Joliette. Pas mal de primeurs partaient de là, la chef de EGTL me traitait de « minot », et je me suis retrouvé avec plusieurs clients à livrer au MIN de Lyon, c’est là que je me suis rendu compte que je ne m’étais jamais mis à quai en semi, quelle galère !! De là, je suis monté à vide à Kloten en Suisse, dans la banlieue de Zurich pour charger à destination de l’Algérie. J’ai ramené tout le bazar à Valence, et j’ai été terminer mon service militaire gentillement avec plein de projets dans la tête.

Le lendemain de ma libération en janvier 1991, j’ai attaqué à temps complet chez Michel COMTE, dans les premiers temps je faisais du boulot tranquille. J’allais charger les camions au port à Marseille ou les complets en camion remorque chez Allibert à Grenoble, La Mure, Voreppe, je faisais de la traction pour MERTZ en Container, j’avais alors un Volvo F1020, Bibi enceinte jusqu’aux dents venait alors avec moi, je me souviens de mon premier voyage à Hambourg, l’autoroute avec les plaques de béton mal jointes, la declaration du litrage de gasoil en frontière et les douanes… De temps en temps, je tirais des remorques pour Gery, c’est là que j’ai compris ce que voulais dire le mot « clandestin ». On descendait sur Bari avec des complets d’oignons, avec le F1020, il fallait pas regarder les heures moi qui pensais qu’une fois passé Nice c’était plat…

Les tous débuts après l’armée, 1er week end planté à La Mure avec Bibi

J’ai eu mon premier tracteur « potable » quelques mois plus tard, un 36 Turbostar, suspension à air, clim, téléphone (radiocom2000). Quand Michel m’a attribué le camion, il m’a expliqué quelques bricoles et notamment ce petit fil qu’il fallait mettre à la masse pour « quand on a plus d’heures ». Je ne sais pas pourquoi, mais je lui ai dit que quoi qu’il arrive, je roulerais 20h par jour à 130 s’il le faut mais que tout serait marqué sur le disque. Il a rien dit, et j’ai tenu parole, j’ai jamais magouillé un disque, du moins chez Comte. J’ai fait mes premiers tours de GB. Ramasses à Cavaillon, montée direct sur Londres, ou le Kent, et j’ai eu la chance de me faire arrêter par les flics en GB, un vendredi, prison, tribunal, la totale. Mais ça m’a pas découragé pour autant, je faisais aussi les marchés en Allemagne, c’était plus facile, mais on dormait pas beaucoup non plus. A la naissance de notre fils fin septembre 1991, j’ai un peu pété les plombs et decrété qu’il fallait que je sois plus souvent à la maison, du coup j’ai quitté COMTE.

En 1991, quand on avait pas de boulot sur valence en temps que chauffeur, il y avait 2 solutions, soit rentrer comme chauffeur à la base intermarché de Loriol, soit composer le 021751, transports SNTV à Romans. J’ai pris l’option #2, j’ai appelé le matin, et l’après-midi je partais avec un R340 pourri jusqu’à la moelle pour Orléans. Je suis resté 10 jours dans cette boite crasseuse pour rentrer chez un petit transporteur à Margès. MONTALCO. J’étais tombé la veille sur Bernard Lamheri mon 1er patron LLTD au centre routier à Bron, qui m’a dit d’aller voir, ils cherchent un pilote. Bernard est décédé il y a quelques années, c’était un bon mec. Je me vois attribuer un MAN 332, petite cabine, mais qu’importe le flacon ! Chez MONTALCO je fais principalement de l’Espagne, de l’Italie. Quelques semaines après mon embauche je récupère un F10 320, suspension à lames, pas de webasto, mais je m’en fous c’est un Volvo. Je pars souvent le dimanche soir pour faire la douane à La Jonquera ou au terminal TIR de Barcelone, c’est un bon job, mais j’ai des relations difficiles avec le chef qui me parle de coupure, je comprends que dalle à tout ça, moi je roule comme j’ai envie et je dors quand j’ai sommeil. Du coup je me suis bien amusé, Marcel mon beau-père m’accompagne souvent, il dort pas beaucoup. Après une carrière de cheminot à faire du Dijon Marseille, ça le sort. Mais à la fin de 1991, les affaires de MONTALCO ne sont pas au beau fixe après avoir perdu beaucoup avec Escudé de Grenoble. Du coup, avec le coup de main de Philippe Dausson, je reviens chez Michel COMTE.

A mon retour j’ai longtemps remplacé Julien avec son F12-360 et j’ai ensuite récupéré mon 36, le 3500SR26. Le boulot est toujours dur, mais plaisant, on avait carte blanche du moment qu’on était à l’heure. Le boulot est speed, je retrouve des potes de l’armée, Tony et Kamel rentrent à leur tour chez COMTE. Quand je ne fais pas de GB ou d’Allemagne je fais de jolis tours, on charge du poulet congelé en Bretagne pour Athènes, et des oranges dans la Péloponèse en retour. Le premier tour, c’est Bibi qui a vécu à une époque à Athènes qui fait l’interprète. C’est une de notre premiere sortie en amoureux depuis la naissance de notre fils. Après avoir rechargé, on a fait la douane à Katakolo, une sorte de paradis sur terre, un parking TIR avec une seule place et l’accès direct aux restaurants du port, on s’est posé la question de savoir s’il était raisonnable de retourner en France. Le second voyage pour moi s’averera être une véritable épopée après que « le Belge » du restaurant du pont de Corinthe m’ait mis la puce à l’oreille en me disant que mon patron ne serait jamais payé pour son transport. A cette période là, pas mal de transporteurs français s’étaient rués vers la Grèce comme Frandjan ou Aquilino. La plupart se sont mangés de grosses ardoises. J’avais alors demandé à la livraison combien le client payait le transport depuis la France, le prix annoncé était bien sûr de moitié inferieur à ce que l’affreteuse Grecque proposait à mon patron. Le téléphone fonctionnait déjà bien sur Athènes puisque 2 mecs plutôt baraqués m’ont bien fait comprendre que je ne devais plus remettre les pieds dans le quartier si je parlais trop. Du coup, on a rechargé à Bari en Italie ce qui a limité un peu la casse.

Ensuite j’ai touché mon premier attelage neuf, un IVECO Turbostar SPECIAL, 480cv V8, avec un des premiers frigos 33 palettes avec le groupe extra plat SMX. Ce camion s’avère être une véritable bombe, j’ai pris un pied extraordinaire avec. J’avais besoin de CV et surtout de garder une bonne moyenne sur certains trafics, nous étions 3 avec des 48 IVECO à faire un boulot de dingo avec les fleurs coupées. On montait en primeurs toujours en Angleterre ou Allemagne, de là on fonçait au marché aux fleurs à Aalsmeer en Hollande faire nos ramasses, on repartait en gros vers 18, 19h en route on posait parfois Langres, et à chaque fois Chalons sur Saone, Macon, Villeurbanne pour finir avant 7h du matin à Veurey ! A fond, à fond ! Même en roulant comme un furieux j’arrivais à prendre de gros coups de pompe, la nuit Michel appelait pour nous tenir compagnie au téléphone et aussi pour être sûr qu’on fasse l’heure. Quand j’étais pas sur la ligne, on avait de bonnes tournées en plantes sur l’Italie, et le must c’était de recharger les Phoenix et les lauriers roses à Elche.

L’hiver, la Valentinoise nous affrètait pour recharger des tomates au Maroc, on descendait à vide avec seulement du matériel pour les stations d’emballages, palettes vides, cartons, transpalettes. On rechargait à Oualidya ou Aït Melloul à côté d’Agadir. C’était le top, et je tombais amoureux du Maroc. Malheureusement les prix chutaient vite et les espagnols raflaient tous les marchés. Je me souviens des Frigopuerto avec leurs AE520, on sortait en même temps du ferry à Algéciras, on les croisait du coté de Castellon, ils redescendaient déjà de Perpignan, de vrais kamikazes ! La route en Espagne était dure et truffée de pièges, le défilé de Despanareros sur la NIV, la N310 entre Manzanares et Iniesta avec ses longues lignes droites et parfois un virage ou inmanquablement il y avait des épaves de frigo, puis la longue descente sur la NIII jusqu’à Valencia, mémorable.

On roulait vraiment comme des débiles !!!

Après avoir usé le 48 turbostar, je me vois attribuer un Renault AE420. Je rêvais d’avoir ce camion pour l’espace, j’ai été déçu à tel point qu’au bout de quelques mois je l’ai échangé avec Julien contre son Eurotech 420. Heureusement, on ne fait plus de fleurs coupées, un Hollandais a pris le marché, il livre plus tard, mais il est moins cher et ils roulent en double, grand bien leur fasse. Si l’Eurotech est plaisant à conduire et surtout avec un gros couple, c’est souvent que je suis en panne avec. Quand Charly demissionne pour partir rouler chez ND en frigo, je le remplace avec un super boulot. Je me retrouve avec son Turbostar 380, boite fuller, camion remorque et un boulot bien cadré. J’ai pas dit facile. Le dimanche soir, je monte des rolls vides que je ramène chez les clients, en Belgique autour de Gent, Wetteren, Lochristi, Melle et je recharge complet en plantes 49 rolls pour redescendre sur Veurey, de là, je me mets en place chez Allibert à Moirans recharger des abattants de chiottes pour Allibert à Nivelles. C’est du chargement en vrac, ça laisse le temps de dormir un peu la journée, la redescente se fait en plantes, systématiquement. Avec Patrick, Poney26 on fait le même boulot, mais décalé d’un jour. Michel COMTE qui a toujours de bonnes idées fait carrosser un camion, un attelage unique en son genre. Après avoir fait réaliser un Eurostar 520 camion remorque pour Lambert et Samro, il me propose un Volvo FH12-420 en camion remorque traditionnel. J’accepte immediatement, pour un VOLVO, on ne refuse rien ! La seule condition, c’est de rouler en double. Le système est simple. pendant qu’un chauffeur se repose chez lui, le second fait la ramasse à cavaillon ou Perpignan, recupère en montant le second chauffeur qui se met en coupure mais en roulant, et on livre tout en foulée, direct. On a inventé une RSE speciale COMTE, ou, au lieu de faire 4h/4h on fait 8h/8h, c’était pas con, mais ça ne nous empechait pas parfois de prendre des prunes. Au départ Tony a roulé avec moi, puis ça a été rapidement Alain qui voulait faire du camion remorque. On a fait une campagne de cerises pour Gonnet en mai, un tour de nord par jour : On chargeait le soir à Bessenay, on vidait dans la nuit au quai Roca à Rungis, le matin on rechargeait chez Gonnet à Lesquin, on vidait le soir à Valence et ainsi du suite. Avec Alain on a appris à se connaitre et on est devenus très vite trés bon copains. Malheureusement l’aventure du Volvo a été de courte durée, puisque je l’ai couché une nuit du samedi au dimanche sur une grosse plaque de verglas à Lauterbourg, 6 mois, 160.000km. J’étais tellement dégouté !! Le dimanche je l’ai passé à refaire toutes la palettes de noix et de pommes, au final on a pas eu de litiges de marchandises, incroyable. En sanction j’ai eu 2 jours de mise à pieds, 26 et 27 décembre 1996. Pour continuer le boulot on a eu ensuite un Eurotech 380cv, ça nous a pas empêché de bien se marrer. Nous avions l’habitude de rouler sur la nationale la nuit pour rejoindre Bruxelles via Chalon/Marne, Suippes, Charleville.
Or cette nuit là, la route était particulièrement grasse, nous étions en pleine campagne de betteraves; tout à coup on entend un énorme bruit. Nous sommes surs d’avoir éclaté un pneu.
On s’arrete, on se regarde sans un mot en se demandant lequel de nous 2 va descendre et aller mettre le cric sous le camion.
Finalement on s’aperçoit que la rouille avait eu raison du garde boue de notre tracteur et nous avons éclaté de rire.

Les nerfs, sans doute.

Au début 1996, rien ne va plus chez COMTE, et l’entreprise dépose le bilan. Comme on n’a pas envie de se quitter avec Alain, on cherche une place introuvable en double. Et faute de trouver, on tente l’aventure en pulvé chez Debeaux. On est pris tout de suite, à cette époque c’est Robert Batistel qui s’occupe des nouveux et des tests de conduite, il finira sa carrière à l’AFT, un bon mec là encore. Du coup, on fait le même taf mais chacun de son côté. J’avoue que ça me plait pas plus que ça. Le boulot de la pulvé est pas désagréable, mais j’ai du mal avec les grosses boites chimiques et leurs reglements, et surtout chez Debeaux, faut jamais avoir une pointe qui dépasse le 100. Tu peux rouler 20h par jour, mais pas vite, c’est tout ! Il me faut un temps d’adaptation, j’ai eu pour commencer un R340 avec lequel je suis tombé en panne en plein milieu du tunnel dans la montée juste avant Oulx, j’ai trouvé le temps bien long ! Puis ensuite un R385, bien propre, mais tous les matins en me levant je me cognais la tête au plafond. Au final le boulot était pas mal, beaucoup d’Italie, dans le Veneto, et des retours en riz pour Charmes dans le 07, de l’Allemagne, de la GB. Je faisais comme les anciens, énormement de gratte avec les lavages, Debeaux remboursait tout en liquide, net d’impôts, j’ai jamais gagné autant que chez eux.

A cette époque Debeaux était en concurrence serrée avec Norbert Dentressangle et Aubry. Malheureusement pour moi, il m’est arrivé une carambouille 15 jours avant de signer mon CDI. Un vendredi soir j’avais rechargé à Engis en Belgique pour Vicenza, donc je devais laisser le camion au dépôt de St Priest. A l’époque, les vendredi soirs et les samedi matin, une navette nous ramenait au dépôt à Livron, mais ce samedi là, j’avais pas envie d’attendre la navette. Je me suis donc arrété à Villefranche en quête de calandre connue pour me prendre en stop à St Priest. C’est alors que j’ai vu passer un traco Dentressangle qui vivait à Cavaillon, j’avais fait l’armée avec son fils. Pour pas perdre de temps, il s’est mis en travers du portail à St Priest, je saute dans son camion et là, c’est le drame, le portail s’est posé sur sa citerne et bien sûr on l’a arraché en partant. Bon, pas grave, le samedi au reveil, j’appelle l’exploitation à Livron, je me dénonce, affaire classée…

Sauf que le lundi, les chefs se sont appelés, y a pas de traces sur ma citerne, c’est donc que quelqu’un d’autre a accroché ce portail, mais qui ?? J’ai droit à une série d’appels de la pupart des dispach, puis même du directeur des pulvés pour que je dise qui a accroché. Je refuse de donner le nom bien sûr, jusqu’au moment ou un chef à l’idée lumineuse de me faire du chantage : Si tu donnes pas le nom, on te fera pas signer ton CDI… Et puis si je donne le nom et que je signe pas le CDI, je passe deux fois pour un con, NIET. Donc j’ai été au bout des 6 mois, et je suis parti la tête haute.

Ma femme ayant trouvé un bon job, et moi n’ayant rien sous le coude, je me suis dit que je devrais peut être essayer autre chose, je me suis mis en tête de passer mon permis D. Repasser le code, la conduite du car, c’était rigolo. J’ai passé mon permis sur un S45r Saviem fin 1997. A l’issu de l’examen, l’examinatrice m’a reproché de conduire souple mais trop doucement, au fond de moi je m’étais dit, connasse, si tu savais !!! Me voilà avec le permis en poche mais aucune experience dans le domaine, j’ai galéré a trouver une place. J’ai fait un peu d’interim en attendant, jusqu’à ce que je trouve 2h de ramassage scolaire à Montélimar chez TESTE. Lui avait trouvé la combine, il embauchait personne mais prenait en interim des chauffeurs via sa propre agence interim « comme ça je les vire plus facilement m’avait-il dit ». Donc je faisais mes 2h le matin et basta. Et puis rapidement, il m’ont collé du bus urbain l’après-midi, des deplacements sportifs le dimanche. C’est en mars 1998 que je suis rentré chez Cariane, à temps partiel, 100h par mois. Jusqu’en juillet ça a bossé dur, mais sorti de la période scolaire, j’ai compris que j’allais galerer, j’ai donc changé mon fusil d’épaule. A cette période, beaucoup de transporteurs cherchaient des bouche-trou, alors j’ai fait bouche trou et c’était sympa. Chaque jour je changeais de service, mais tous les 15 jours je faisais la même chose, et je me suis mis à « re »faire n’importe quoi. Par exemple, le vendredi soir je quittais le bus à 18h30, et je fonçais à Loriol faire un relais pour TLR, un affrété à TFE et je montais direct à Strasbourg. Quelques temps plus tard, c’est Alain que je relayais une fois qu’il a quitté Debeaux. En saison de primeurs, il m’arrivait le matin tôt de descendre sur Cavaillon pour Lubac, et reprendre un bus l’après-midi, c’était marrant, je faisais comme je voulais et je pouvais dire non, je me sentais vraiment libre. Certaines années je cumulais jusqu’à 5 employeurs différents. Et puis un jour j’en ai eu marre de ne pas être stable, en fevrier 2002, j’ai envoyé 3 lettres de demissions en même temps, Cariane, Courriers Rhodaniens et TLR, et je suis rentré chez Lubac.

Avant de m’embaucher, on s’était bien mis d’accords avec Robert , l’été je devais faire les ramasses dans la vallée du Rhône et le reste de l’année, de la route. Personnellement ça m’allait très bien. La boite était en pleine expansion, et ils venaient juste de s’installer dans leur nouvel entrepôt à Montéleger. J’étais vraiment heureux de retourner charger chez les paysans, les petits producteurs, j’avais de bonnes relations avec certains, c’était vraiment cool. Chez Lubac, j’ai retrouvé une vieille connaissance au bureau, Bernard qui bossait avant chez Philippe Rey et m’affretait sur l’Allemagne quand j’étais chez Comte, du coup, je montais encore de temps en temps en Allemagne, moins fort qu’à l’époque évidemment ! On montait souvent avec des complets de salades, de kiwis, souvent sur Munich, on rechargeait aussi des complets de bière Sturm à Straubing pour rentrer. Après avoir roulé un moment dans un FH12-460 j’ai eu un camion mythique, le FH16-520. Interieur cuir, une vraie machine, mais fragile. La plupart du temps je partais le dimanche après-midi sur Bordeaux et je rechargeais sur Marmande pour Bourg en Bresse, ou sur Nice et on rechargeait des bananes au port de Gènes. J’avais besoin de mes samedi à l’époque pour faire les courses et visiter ma vieille grand mère…

Un jour de mars 2004 sur l’A7 vers Vienne, je croise Philippe Dausson qui bossait aussi chez Lubac, qui m’appelle à la CB. « Arrête toi à Roussillon, y a les pros de la route de France Routiers, si tu signes leur papier, ils te filent des autocollants Michelin » Comme j’adore les autocollants Michelin, j’ai pas resisté. J’ai fait la queue aux pros de la route, et au moment de rendre ma fiche signée, le gugusse de France Routes me dit : à partir de maintenant, tu t’engages à respecter la loi… ça m’a fait rire, et je lui ai dit que si demain la loi me dit de me peindre la bite en bleu, je le ferai pas. Là, il a pas rigolé, il a déchiré ma feuille et j’ai pas eu mes autocollants. J’étais à la fois vexé et enervé de m’être fait ejecter de chez France Routes. Je repensais au début de la revue au discours de l’époque, et aujourd’hui ces mecs qui jettent des chauffeurs !!! Du coup, l’idée m’est venue de faire un site internet ou je donnerai la parole aux routiers, c’est comme ça que fierdetreroutier est né. J’ai réuni quelques proches collègues, diffusé leurs photos et leurs textes et ça a commencé comme ça. Le plus dur a été de se faire connaitre. J’avais imprimé des étiquettes que je collais à chaque cabine de péage et très vite la mayonnaise a pris. Le week-end, je croulais sous les mails, heureusement ma femme m’a bien aidé. A ce moment là, la plupart des chauffeurs ne se connectaient que le week end et depuis leur domicile, il y avait pas de Facebook, on a un peu joué les apprentis sorciers en créant sans le savoir le premier reseau social de routiers. Bien sûr rapidement sont apparus les pros et anti FDR, les pros et anti Phil26. Ce qui m’importait et m’importe toujours est de donner une bonne image de notre corporation.

Les années passant, les transports Lubac se sont bien developpés, des agences à Valence, Feillens, Perpignan. Les accords passés entre Robert et moi se sont oubliés, sauf durant la période estivale ou là par contre je faisais bien la merdouille en Vallée du Rhône. Dans le meilleur des cas, je faisais encore un peu de Gènes, parfois du Barcelone, et beaucoup de Rungis. Après le FH16 j’ai touché un FH12-500 Turbocompud et une Chereau neuve, sur le papier ce camion était séduisant mais j’ai detesté le système qui obligeait à tirer les rapports pour profiter de la puissance, c’était juste rigolo dans les grands cols comme celui del’Arche ou le camion sifflait tant qu’il pouvait, on aurait dit une cocotte minute. Je faisais parti du camp des ingérables. Mais lors des pointes de chargement de chocolat entre Arras et le sud, ça genait pas de devenir un ingérable qui faisait les 3 tours via Rungis en montant, Fabien, Roger et moi sommes partis presque en même temps. Et bien sûr en étant « clean » niveau heures. Un chef s’est même amusé à me faire partir des dimanches après-midi juste pour livrer à Cavaillon, là, il m’a rêvé le mec… Etant donné que j’étais en contact avec Stephane Giraud et que j’ai eu un peu de piston par Alexandre Chevalier et Eric Durand j’ai quitté Lubac en fevrier 2008. La dernière semaine a été horrible j’ai fait que du Cavaillon-Lyon, ils avaient peur que je plante un voyage, alors que jamais j’aurai fait un truc pareil. La plupart de ceux qui sont ensuite partis lors de la debandade les ont mis à l’inspection du travail, moi c’est pas mon truc, je pars, je pars ciao ! Mais je suis ingérable, j’avoue !

En rentrant chez Duarig, je ne savais pas trop ou je mettais les pieds, c’est vrai. J’avais assez peu gouté aux joies du transport industriel, et j’avais un peu oublié ce qu’était une vraie boite familiale. J’ai commencé avec un FH440 de location de chez Amao, mon premier tracteur en boite automatique. Il m’a aussi fallu apprendre les joies de l’ADR, et à refaire de l’International, surtout de l’Espagne au départ, de l’Italie, de la GB. Je sais que des anciens Lubac se foutaient de moi avec mon 440, mais je m’en foutais vraiment !!

Au bout de 6 mois j’ai eu mon premier neuf chez Duarig, un Volvo 440XL EGR. Un incroyable moment de bonheur ou tu peux choisir la déco de ton camion, c’est con, mais ça fait beaucoup. A la même période, d’anciens collègues sont venus rejoindre la team Duarig, Alain, et Adrien. Tout le monde en FH au début. Ensuite la boite a déménagé à Jarcieu dans un dépôt tout neuf, tout beau. Un bel outil pour bien bosser. Rapidement j’ai commencé à faire des livraisons sur les circuits. Au départ pour remplacer Arthur qui s’est cassé le bras, et puis j’y ai pris goût. Au départ ça me plaisait pas trop, j’avais pas le sentiment de faire du transport, mais plus de la prestation, et finalement c’est assez cool, et surtout ça fait sortir des sentiers battus. Je suivais le superbike, Assen, Brno, Portimao, sorti des frontières françaises on voit plus beaucoup de français…

J’ai pas gardé le 440 très longtemps, souvent des petites pannes de vannes EGR, alors avant d’être plus embété, Nicolas s’en est séparé, et pour me consoler j’ai eu un FH500 gris métal assorti à mon frigo. C’était tellement beau, j’avais presque honte d’avoir un attelage pareil. Anthony et Régis nous ont rejoint au même moment, et on a commencé à bosser pour GN sur la Suède et en traction un peu partout, d’autres méthodes de travail, et toujours du bonheur. Toujours des livraisons sur les circuits pour moi et souvent avec Arthur. La boite grandit toujours, mais l’esprit ne change pas trop. La meilleure preuve c’est le peu de turn over dans les chauffeurs, bien sûr ça râle, mais au final, on est bien. Le travail n’est jamais simple, souvent prise de tête, mais souvent en dehors des sentiers battus, chaque année de nouvelles destinations. J’ai lâché au bout de 5 ans le FH500 avec une peu plus de 700.000km sans emmerdes, un vrai bon camion.

Un très mauvais souvenir sur l’A61. J’étais en queue de bouchon ce 15 juillet 2015, quand un type a pas vu le trafic arrété parce qu’il était en train de prendre des commandes. Un vrai miracle qu’il n’y ait pas eu de blessé grave voire pire… Mais à la fin les emmerdes, c’est pour le chauffeur !

Depuis septembre 2016, je me promène avec un FH500 phase IV, j’ai été un peu dérouté au départ, mais déjà fait de beaux voyages avec : Riga, Tunis, et tout au nord de l’Ecosse à Thurso. Depuis 2 saisons, je livre la F2 et GP3 qui eux-mêmes suivent la F1, c’est toujours interessant, prenant et les destination sont variées, le programme est un peu connu à l’avance, c’est bien aussi de temps en temps de savoir ou on va mettre les pieds. Voilà en gros ou j’en suis en cette fin juillet 2018 ou je redige ces quelques lignes, j’ai envie de dire…. A SUIVRE !!!!

Quelques souvenirs en Vidéo :