Mercredi
Driiiiing ... driiiiiing ... Il est 5h00, le réveil a du mal à tirer Jules de son sommeil, mais y parvient enfin.
- Merde ! Le resto est encore fermé, le patron a dû s'oublier, tant pis, je file, je boirais le café plus loin.
Et c'est dans une forme olympique que Jules commence sa journée. Il boit le jus à La Cascade à Mornas, il y a aussi d'autres Grenoblois qui descendent. Des gars qui font du Marseille comme ils disent, alors qu'en fait "faire du Marseille" ne signifie pas aller à Marseille, non ça veut juste dire tourner en courte, c'est comme ça.
A 7h30, Jules se gare un peu comme il peut, c'est à dire en bordel, place de la Joliette. C'est en centre-ville, y'a pas beaucoup de place et des voitures partout. Mais aussi une bonne dizaine de camions garés un peu n'importe comment en warning. C'est que c'est le seul enroit pour se garer dans le coin, pour aller chez les transitaires deux rues plus loin. Le port n'est pas loin, mais on a le droit d'y pénétrer qu'avec un bon de déchargement, qui n'est remis que par le transitaire.
Donc, pas le choix, c'est comme ça que l'on doit faire. C'est évident que ça fout le merdier, et que les gens gueulent. Mais Jules s'en fiche, il craint plus les nombreux types aux airs louches qui traînent dans le secteur. On dirait des camés-alcoolo-clochard, un peu tout ça à la fois, rien qui ne mette en confiance ...
Jules fait sa paperasse, retourne au camion en se demandant s'il ne sera pas coincé par une voiture. Non, coup de bol, pas de souci pour repartir.
Etonnament, bizarrement, tout se passe vite pour décharger. Une fois entré dans le port par la porte 2, il arrive au hangar prévu, trouve de suite le pointeur (oh miracle !), qui lui signe ses papiers en foulée (encore un miracle), et l'engin qui tenait lieu de chargement est déchargé dans les minutes qui suivent.
Alors là, Jules en est comme deux ronds de flancs, il se demande quelle mouche a piqué les marseillais, depuis des années qu'il vient parfois ici, jamais ca ne s'est passé aussi vite, et sans aucune embûche.
- Putain, jamais personne me croira !
Une petite marche arrière, il se gare sur le côté, attrape 2 ou 3 francs et téléphone depuis la cabine téléphonique située à deux pas. Chance ! Elle est en état de marche ! - C'est la journée de la chance, ça cache quelque chose ça non ? se demande Jules en écrasant sa gauloise.
- Allo, c'est Jules, j'ai vidé
- Ouais, attends, chai pas quoi te donner ... ...
- (putain ce con se rends même pas compte qu'à à peine 9h je suis vide, jamais il sera poli ce mec ...)
...
- Ouais, bon, tu vas à la pâte, tu charges pour Voreppe, mais faudra qu'on vide ici dans une savoyarde, alors rappelles-moi avant de remonter
-Mouais ok, à tout à l'heure.
10h15, Jules se présente au gardien de l'usine à Tarascon, pour y charger le voyage de pâte à papier prévu.
Il donne le n° de commande, et contourne l'usine afin d'être en place pour charger, puisqu'il ne risque pas de se mettre à quai avec son porte-char.
Le temps commence à se faire long, il y a pas mal de camions, Jules attends son tour en discutant avec un autre chauffeur qu'il voit parfois ici.
11h00, Jules ne voit toujours rien venir et commence à s'impatienter. Il allume une gauloise et c'est à ce moment-là qu'il voit un gars des expéditions sortir du bâtiment, et se diriger vers les camions. Mauvaise pioche, il annonce une panne dans la chaîne de fin de fabrication, on va réparer au plus vite, mais sans savoir pour combien de temps il y en a.
Merde ! Jules râle dans sa tête. Bon, ben il ne reste plus qu'à manger à la cantine de l'usine, et attendre la suite des évenements.
C'est ainsi que se passe l'après-midi, à attendre, et à faire le ménage dans sa cabine ... Ce n'est qu'à 17h00 que Jules est chargé et prêt à rentrer. Mais il faut d'abord passer par la case téléphone.
- Allo, c'est Jules, j'ai chargé
- Ouais, bon, décroches ici demain matin, tu prendras une semi pour Pontcharra, je te laisse le n° à la pompe à gasoil
- Ok, à demain, tchao
- Salut ....
17h15, Jules sort de l'usine en allumant une gauloise. Il craint la journée du lendemain, le jeudi sur Grenoble n'augure jamais rien de bon. Ca sent le 3° tour à plein nez c'tte affaire-là ..
Il passe Boulbon, Aramon, traverse le Rhône et entame le gros coup de cul de la montée des Angles. Une fois en haut, il prend à droite direction L'Ardoise, et arrive à l'échangeur de Roquemaure. Il enquille l'A9, prends son régime de croisière entre 9,5 et 10 kilos en pensant qu'il est veinard, pas de mistral aujourd'hui. Plus que 2 heures et je dors à la maison s'enthousiasme-t-il.
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