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C'EST PARTI MON KIKI !

ou le carnet de route d'un débutant

par JeanMi

 

Voici deux semaines, je vous avais livré mes premiers tours de roues , voici mes impressions après deux semaines de volant.

Nous sommes le dimanche 11 mars. Je viens de faire une semaine complète au volant du Daf. Principalement entre Anvers et les usines et dépôts Arcelor du Luxembourg. Pendant ces cinq premiers jours de route, il y a bien sûr eu les manœuvres difficiles, les «ripages» de pneus de semi, les cafouillages sur la boite de vitesse etc. Mais, le métier rentre doucement.

Il est 18h, je prend ma petite voiture et me rend à Cobreville. Le tracteur m'attend là ou je l'ai laissé ce matin après l'avoir lavé. Qu'il est beau, les jantes en alu brillent et le soleil couchant se reflète dans le pare brise bien propre. En remontant dedans, j'ai l'impression de retrouver un vieux pote. Stéphane est là, il me répète de ne pas oublier de remonter mon réveil pour partir demain à 3h. Je démarre, contrôle le niveau d'huile avec l'ordinateur de bord. Tout va bien. Je descends les 300 mètres qui séparent le parking de Stéphane du terrain ou sont garées les deux semis. Pas trop habitué à la manœuvre et, je dois le dire, un peu nerveux, je dois m'y reprendre une seconde fois pour bien m'aligner à la remorque. Je recule doucement, le déclic se fait entendre. Un petit coup en avant pour faire un test de traction, tout va bien. Après avoir raccordé mes tuyaux et fiches, je remonte les béquilles et fais le tour de l'ensemble pour contrôler les feux et voir si rien n'a disparu pendant le week-end. Bin, oui, je suis chargé de 30 tonnes de barres de fer à béton de 14m de long. Donc je roule portes ouvertes. Je contrôle également si le panneau zébré rouge et blanc est toujours bien attaché. Pas de problème, on y va.

C'est marrant, les réflexes ne se sont pas évaporés pendant le week-end. La boite de vitesse me semble familière, le fait d'être assis à 2 mètres de haut ne m'impressionne plus et le camion me parait plus petit que dans mes souvenirs. Après quelques centaines de mètres, je suis pris de ce qu'on peut vraiment appeler un doute affreux. La semi n'est pas alignée au tracteur !!! C'est pas possible, on ne peut pas atteler une semi 5 centimètres trop à droite. Je m'arrête pour vérifier si le déflecteur derrière la cabine est bien en place, oui, il y est. C'est simplement un effet d'optique dans les rétroviseurs. 15 ans de mécanique, je connais le fonctionnement d'une sellette et je me fiche des doutes pareils dans la tête !!!!

Je me rends directement à Bastogne au dépôt de carburant. En ce dimanche soir, je ne m'attends pas à la grosse foule. Un Volvo fait déjà le plein. C'est François, un ami de Stéphane. Je vais lui serrer la main, me présente et discute un peu de la semaine à venir. Il me demande si le métier me plait. C'te question… lol. Il s'en va vers ses aventures à lui : petit tour en régional demain et la suite de la semaine dans les Alpes. Pour moi se sera la Hollande, Raalte, dans le nord, près de Zwolle. On n'est pas toujours gâté pour les noms de ville en Belgique, mais les hollandais ne sont pas mal non plus dans le genre. Retour «at hom» pour préparer mes affaires et pour une courte nuit.

Lundi, le jour ne se lève pas, mais moi oui. 2h30. Après le café indispensable à mon éveil complet, je traverse la rue pour retrouver mon volant. Je prépare mon disque, j'aime bien la solitude de la nuit. Solitude ? Non, pas vraiment. Vous vous souvenez de Josiane ? Je l'ai rendue à Stéphane, et j'étrenne un nouveau jouet. C'est un Garmin nüivi 350. Je sais, certain pense que se servir d'un gps revient à transformer un chauffeur en « tourneur de volant ». Je ne suis pas tout à fait d'accord, c'est un outil qui permet de gagner pas mal de temps et une aide précieuse à la gestion du temps. Quand je dis que j'étrenne, ce n'est pas un mensonge, je l'ai à peine sorti de sa boite durant le week-end. J'avais dis que je la baptiserais Julie, je trouvais que le prénom trouvé par Stéphane pour sa « convoyeuse » n'était pas terrible, pauvre Josiane… Je suis très vite revenu sur ma décision, car la voie douce de cette dernière m'a rapidement manqué. Au premier son de mon nouvel achat, j'ai vite déchanté, et en désespoir de cause, je me suis résigné et l'ai surnommé du seul prénom lui allant vraiment bien : Gretta. Elle dois souffrir, la pauvre, d'un cruel complexe de supériorité, et je m'attend souvent à ce qu'elle me dise : « si toi pas tourner à droite, moi fusiller toi ! ». Mais elle est de bonne volonté et accepte de me guider vers Raalte. « Arbeit Jean-Mi, arbeit !! »

J'enclenche la première petite et c'est parti. Je descends la vitre, histoire d'entendre ronronner le 480. Plein gaz pour monter les 16 rapports dans la côte de la route d'Arlon. Un délice pour l'oreille. N4 sur quelques Km et puis E25, cette autoroute que je connais si bien et qui me conduit vers Liège. Comme je commence à m'habituer au camion, je programme le régulateur de vitesse sur 89 et le ralentisseur sur 91. J'ai juste à le surveiller dans les trois grandes descentes avant Liège, la baraque de Fraiture, Remouchamps et Tilff. Une vitesse de moins et un petit coup de patin, on dirait un pro au volant !! Il est 4h15 quand j'arrive à Liège. Je choisis de passer par le centre, le long des quais. Je sais, c'est interdit aux poids lourds, mais ça me fait gagner 10km et la bonne excuse est toute trouvée en cas de contrôle. Le panneau lumineux dans le fond de Tilff indique que le tunnel sera fermé les nuits du 12 au 16 mars. Après tout, on est le 12 et c'est la nuit… Stéphane m'a garanti que je passais sous les « trémies » (tunnel urbain en argot liégeois) malgré la limitation à 3,5 mètres. C'est vrais que j'ai déjà vu des bus passer dessous et que les portiques rouges et blancs sont tous arrachés, mais je vous jure que je me suis baissé en passant dessous et qu'on aurait sans doute pu casser des noix entre mes fesses à ce moment là. La confiance aveugle d'un nouveau chauffeur en son patron expérimenté a remonté la hauteur des trémies. lol.

Evidement, juste avant de reprendre l'autoroute, un voiture de la police est garée le long de la Meuse. Mais pas de soucis, ils doivent attendre 7h, la fin de service… J'ai une petite pensée pour Superphilou66 en longeant Visé, je sais qu'il habite juste à côté. La traversée de Maastricht me permet de tester le limiteur de vitesse, je me bloque sur 50km/h, ce qui me garantit de pouvoir passer les 4 feux au vert. Sauf le dernier, je n'ai jamais compris pourquoi il n'était pas synchronisé avec les autres. Ensuite, vient la seule côte sévère des Pays-bas, ça grimpe à 4% sur 3 voies ! Une rigolade et un dernier plaisir de jouer avec la boite avant une journée complète sur le plat pays qui est le leur. Après trois heures de route à dépasser les hollandais limités à 80 ou 85km/h, je décide de me faire une coupure de 20 minutes à Oss, juste après Eindhoven dès que je suis sur l'a50. Un petit café à la BP, il commence à faire clair.

En remontant dans le camion, Gretta me signale que le soleil se lève et qu'elle passe automatiquement en mode « jour », je ne la contredis pas et appuis sur « ok ». En même temps, je regarde par où elle va m'emmener et je me rends compte que comme je l'ai programmée « poids lourd », elle veut me faire faire un détour pour me laisser sur l'autoroute. Je note le numéro de la nationale me faisant gagner au moins 15km. Il est passé 6h. L'interdiction aux camions de dépasser me bloque aux alentours de 80km/h. Les FM belges m'ont lâchés depuis longtemps et RTL en grandes ondes commence à faiblir aussi. Je décide donc que ce sera Bernard Lavilliers qui m'accompagnera. Le titre « l'été » achève de me mettre de bonne humeur. N'écoutant que mon sens de l'orientation, je sorsà la sortie 24 (Raalte via N348) plutôt qu'à la 26 proposée par Gretta, elle n'est pas contrariante, elle accepte mon choix et recalcule l'itinéraire.

Deux feux plus loin, je quitte la banlieue de Deventer et me retrouve seul entre deux pistes cyclables bondées de monde se rendant au travail. C'est cool la Hollande, mais attention aux angles morts et aux priorités sur les ronds points. Arrivé sur la zone industrielle de Raalte, pas de soucis, peu de monde, je roule à 20km/h et cherche mon usine, braqué je ne sais pourquoi sur le côté droit de la route, elle me surprend à gauche après avoir dépassé le portail. Bon, pas grave, il y a de la place, et plutôt que de risquer de me retrouver coincé plus loin, je fais une petite marche arrière, à contre main en plus, dans une entrée d'usine. J'y arrive du premier coup et c'est pas peu fier que je reprends le bon chemin.

Sur le parking de l'usine, 4 camions de chez Lies sont déjà là, ils ont dormi sur place. Derrière eux se trouve le Scania de Philipe. Philipe est un indépendant, fan des Beatles et originaire d'Habay, vous savez, le truck center sur la E411, il a donc appelé sa petite société « AB Road ». Je le connais depuis vendredi seulement, il était à Rodange avec moi pour charger. Il me fait signe et m'indique ou me garer. Je descends de ma cabine et me joins au groupe. Tant que Philipe vide, on discute du temps qu'on a mis pour venir. J'ai juste 4h40 de route. Si j'étais parti hier en début de soirée, j'aurai pu arriver le premier et dormir là aussi. La discution est interrompue par un coup de klaxon, c'est Patrick, un cinquième de chez Lies. Il gare son FH noir à côté de mon Daf. Je ne le connais pas spécialement, mais j'apprend vite qu'il habite à 8km de chez moi.

Je les laisse à leurs retrouvailles et vais dans le dépot pour m'instruire sur les méthodes hollandaises pour vider les camions. Je suis plutôt déçu, ils ont un petit pont de 8 tonnes qui est très lent, en plus le manutentionaire est seul et pour gagner un peu de temps, c'est le chauffeur qui passe les élingues sous les fardeaux de fer qu'on soulève deux par deux. Il y en a 12 par camion. Il faut compter environ 30 à 45 minute pour vider et je suis le cinquième. 9h. le Scania sort enfin. Et moi qui dois aller à Amsterdam après...11h15, les 4 premiers Lies sont passés, Patrick vient me demander pour passer devant moi. Je suis un peu embêté, mais je refuse, il est 11h passé et étant débutant, j'ai peur de me mettre en retard, et après tout, il n'avait qu'à se lever plus tôt. 11h50, je sors enfin. J'appele l'afrèteur, il me confirme Amsterdam. Je vais charger une bobine pour Dillingen en Allemagne. C'est Gretta qui va être contente.

La magie de la route reprend. En cette fin de matinée, il n'y a que très peu de monde sur la route, et, après une quinzaine de km de nationale, c'est une autoroute presque déserte que je retrouve. L'interdiction de dépasser ne prenant cours que de 6h à 10h et de 15h à "je ne sais plus", je m'en donne à coeur joie sur la bande centrale. Ma confiance en Gretta étant toute relative, je m'arrête un peu avant Amsterdam pour acheter un plan du port. Ca me parait assez simple, le quai 5079 est pratiquement au bout de ma bretelle de sortie. Ce quai est géré par la société "Waterland Terminal" avec un nom pareil, je m'attendais plus à charger des dauphins et des otaries de cirque plutôt qu'une bobine de tôle, mais tant pis, peut-être une autre fois.

C'est dans ce genre d'endroit que l'on se rend compte qu'on est en Hollande, tout est bien structuré, la ou les anversois réparent les allées de leur port avec des pavés, les hollandais mettent du macadam. un grand parking prévu pour de vrais camion m'attend près du bureau de réception. C'est bien propre et même si on ne parle pas la langue, on comprend de suite ou on doit aller. Pas besoin de CMR, la réception s'en occupe. On me donne un plan détaillé et on m'indique ou se trouve les bobines. Je longe l'immense parking ou sont stockées par centaine des Nissan toutes neuves. Il n'y a qu'un camion devant moi avant l'entrée du tunnel de chargement. Ca me laisse le temps de préparer la fosse à bobine, mais tout juste car un cariste vient près de moi chercher mes papiers de chargement et m'indique que je charge directement à la porte 4. Je pénètre dans le tunnel, c'est presqu'aussi large qu'une 4 voies. Les camions se garent à gauche, les portes donnant sur le stock sont à droite et entre les deux, c'est une véritable fourmilière de clarck, de chariots etc. Je fais donc comme tout le monde, et me parque à gauche face à la porte 4, j'aperçois en effet des bobines de tôle.

Je suis prêt à débacher le côté lorsque le préposé me fait signe que je dois reculer dans le hall. Heu, oui, bien sûr. L'allée est assez large, mais l'entrée dans le hall est plutôt étroite et je suis à contre main. Aie. Bon, tant pis, j'ai voulu être chauffeur, et même si c'est stressant, on y va. j'avance, me place en travers du tunnel, surveille bien le train arrière de la semi et commence à reculer. Je descend deux fois pour aller voir l'arrière gauche de la remorque. C'est quand même juste mais ça passera. J'y suis presque. C'est à ce moment que le responsable revient vers moi en me regardant bizarrement. Vous ne devinerez jamais quoi.... Bin, oui, je reculais dans la porte 3, la plus étroite, celle remplie de papier...!! Franchement, j'avais envie de rire, reculer dans un endroit pareil, à contre main et dans un fourbi de clarcks roulant comme pour se qualifier à Monaco, j'étais malgré tout asser fier.

Un chauffeur hollandais me regardait en souriant, il avait bien compris que je débutais. Il a sûrement eu de quoi raconter à ses collègues en fin de journée, mais malgré tout, il m'a fait comprendre qu'il valait mieux aller faire demi tour au bout du tunnel, de le remonter à contre sens et de faire ma manoeuvre dans le bon sens. Ce que j'ai fait sans hésiter. La manoeuvre se passa sans problème, bin oui, je m'étais entrainé! lol. En ouvrant le toit de la semi, je m'expliquais devant le gus qui m'attendait: "bin oui mon vieux, i am un new driver" Il a souri et m'a chargé la bobine. Le temps de refermer ma semi et je remonte dans le camion pour faire gonfler ma suspension. Un autrichien avec son Man se gare juste devant moi, je n'ai même pas le temps de lui faire signe que j'ai fini qu'il disparait derrière mon camion. Perte de temps? Non, j'ai fini la journée et j'ai assez d'heures pour aller dormir au truck center à Meer. Je ne patiente pas longtemps, je l'aperçois dans mon rétro de droite remonter en courant le long de mon camion. Il n'a pas couru longtemps le pauvre. Un clarck équipé d'une fourche à bobine venait sur sa droite. Je n'ai pas eu le temps de klaxonner, moi même surpris par la situation. Trop tard, choc innévitable, mon gaillard a, je ne sais pas comment, réussi à rester sur ses jambes, mais il a reculé de cinq bons mètres et j'ai cru un instant qu'en plus de mes quatres longues portées, j'aurais une tête d'autrichien sur le bas de ma calandre pour aller en Allemagne. Je n'ai pas entendu ce qu'a dit le cariste hollandais devenu tout rouge une fois remis de sa surprise, mais je suis sûr que même pour un autrichien c'était très explicite. Celui là ne courra jamais plus dans un hall de chargement, moi non plus. Ouf, pas de bobo. En le croisant, plus tard dans le tunnel, je lui ai fait un petit signe pour voir si tout allait bien et vu sa tête, je me demanderai longtemps si c'est le choc ou l'engueulade du cariste qui l'a le plus frappé!!. Pour ma part, retour par le bureau pour récupérer mon CMR et prendre un jeton me permettant d'ouvrir la barrière.

D'après Gretta, je devrais descendre sur Maastricht, puis Liège, Vervier et l'Allemagne. C'est vrai, ça parait logique, mais je suis pris d'un doute, Dillingen est près de Saarlouis, pas loin de Luxembourg et l'autoroute allemande coute cher. J'appele Stéphane pour avoir son avis. Mon intuition était bonne, je me dirige donc sur Bréda, Anvers, demain ce sera Bruxelles, Luxembourg et la vallée de la Saar. Mais avant tout ça, il me reste une étape importante dans mon éducation de jeune chauffeur, à savoir mon premier délogement dans ce que j'appele un vrai camion. Il me reste 2 heures pour parcourir les plus ou moins 130km jusque Meer. C'est reparti. La bobine, bien placée cette fois, se fait quand même sentir, et ce n'est pas la première fois que je me rend compte qu'un chargement n'est pas l'autre. l'idéal reste quand même une grande longueur, tout d'une pièce et pas trop haute. la bobine fait un peu plus d'un mètre cube pour un poid de plus ou moins vingt tonnes et est placées au milieu de la semi. on sent que ça tord dans les bretelles serrées et ça tape un peu plus lors des démarrages un peu secs. Mais je trouve toujours plus agréable de rouler à charge.

Il est 15h15 quand je suis sur le ring d'Amsterdam, la circulation est dense, on roule à 70, parfois 80. Tout va bien, mais l'arrivée un peu plus tard sur Utrecht est plus difficile, la signalisation hollandaise est très bien faite, on est d'abord ralenti à 70, puis à 50 par des panneaux lumineux avant de se retrouver dans l'inévitable embouteillage qui suit. Les hollandais sont beaucoup plus disciplinés que nous au volant, ils ne s'amusent pas à changer de file tous les dix mètres et en général, anticipent longtemps à l'avance la direction qu'ils vont prendre. Ce qui fait que le bouchon ne s'arrête jamais vraiment. Par contre, avec Stéphane, on est du même avis: En Hollande, même au milieu de la campagne, où, pendant des km, on ne voit pas une maison, on est loin de toute grande ville, l'autoroute, bien que très large, est toujours saturée . D'où cette question: Mais ou vont ils tous???

Bréda est comme Utrecht, pleine de monde, mais ça sent bien la ville industrielle, il y a beaucoup plus de camions. Comme partout, beaucoup viennent des pays de l'est et, malgré une idée reçue, ils respectent les limitations de vitesse et les interdictions de dépassement. Les seuls à rouler à 90 quand c'est possible sont les belges, moi inclus. C'est qu'avec tout ces ralentissements, ça va être chaud pour être à Meer avant 17h.15. J'arrive enfin, pile 17h15 à la sortie. Mais la aussi, ça bouchonne. il est finalement presque 25 quand je recule sur une place libre du truck center Joost. Je coupe le contact et là, d'un coup, je sens seulement la fatigue de la journée. Je croise les bras sur le volant et y repose ma tête quelques secondes.

Après avoir contrôlé ma feuille de route et noté mes heures, je descend du Daf. Je traverse le parking entre les autres camions qui "sentent" encore la route, la chaleur des pneus, l'odeur des freins, on est bien sur un parking poids lourds. Je passe à côté d'un FH de chez Lies et me dirige vers le batiment principal. La boutique de chez Joost est très dangereuse pour tout chauffeur qui se respecte, elle l'est surtout pour leur porte-monnaie. Les rayons sont en effet remplis de toutes sortes de babioles servant à décorer, améliorer, voir surcharger une cabine de camion. Ca va du petit autocollant de pin-up à l'écran de télévision lcd 24v. en passant par les rideaux de velours et la gamme complète des cb Président. Par un passage venant directement de la boutique, on pénètre dans la salle à manger au milieu de laquelle, face à l'entrée, un bar en demi cercle accueille les hommes et femmes de la route. Patrick s'y désaltère d'une bière, il me fait un grand sourire et m'offre le coca tant attendu. Comme je lui explique que je débute dans le métier, il se propose de m'expliquer le fonctionnement du resto: C'est très simple, quand tu commandes, tu reçois un petit carton sur lequel est indiqué tes consomations. En suite, tu repasses par l'incontournable boutique et après avoir acheté n'importe quoi dans l'euphorie de la fin d'un repas réussi, tu passes à la caisse et tu payes le tout! Et après ça on s'étonnera que les flamands sont plus riches que les wallons... lol. Ca c'est du commerce!!!

Le repas est parfait, le steack est généreux, les frites croquantes et la salade est fraiche. En mangeant, avec Patrick, on parle de la route, de camions, du boulot etc.. Je devine que ce sont les mêmes conversations qui se déroulent dans toutes les langues aux autres tables. Un "aquarium" à fumeur nous attend. Il a été installé dans la salle à manger depuis peu permettant sans doute aux fumeurs de ne pas courir vers la caisse sans acheter une nouvelle cb ou une paire de sabots hollandais, des espagnols parlent très fort, je devine qu'ils parlent de la route, de camions, du boulot etc... Après avoir bien comblé nos petits poumons, on se retrouve au bar pour un dernier café. En liant conversation avec un français, pour changer, on parle de la route, de camions, du boulot etc... lol. Le passage obligatoire par la boutique n'est pas désagréable, mais les tentations sont grandes, tout en réfléchissant aux possibilités de crédits, on se dirige vers la caisse. Il est près de 21h quand je rejoins le Daf et tire les rideaux (d'origine) il ne me faut pas longtemps pour m'écrouler sous la couette et m'endormir. Je me lève à 3h pour partir à 3h30. Et oui, la gestion des heures de coupure ça s'apprend aussi! C'est pas gagné...


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