Je suis routier, et je me sens écolo.

Comme l’aurait dit en préambule d’un discours Arlette Laguillier : Travailleurs, travailleuses, on vous ment, on vous spolie. Depuis 30 ans maintenant, je sillonne les routes d’Europe, surtout celles de l’ouest européen, j’ai assisté au changement de société qui devient complètement hubuesque aujourd’hui. Je ne ferai pas un texte de vieux nostalgique qui conculerait par un « c’était mieux avant », non, pas du tout.

Lorsque j’ai demarré dans la profession en 1989, le reseau des autoroutes françaises était encore assez limité, rares étaient les autoroutes transversales, ne passant pas par Paris. A propos de Paris, la Francilienne, l’A86, n’étaient encore pas terminées, pourtant, en dehors des heures de pointe, on passait encore la capitale tranquillement par le Periph. A Lyon, seul le Tunnel de Fourvière permettait l’écoulement du trafic NORD-SUD-NORD. Très peu de ces autoroutes étaient en 2×3 voies. Enfin, pour livrer en dehors du territoire, les transporteurs devaient avoir des autororisations pour chaque pays de transit ou de destination, il fallait aussi réaliser des opérations de douanes, souvent longues en Espagne, en Italie, au Portugal. L’Allemagne, et le Benelux étant bien plus rapides. Le distingo était également fait suivant le trafic régional, ou national.

Les camions étaient encore en €0, et à ce que je sache, à la fin des années 80, la plupart des gens de ce pays, vivaient dans un confort assez semblable à celui d’aujourd’hui, tout le monde mangeait à sa faim. On tente aujourd’hui de nous faire croire que le système de consomation des européens est directement lié à l’accroissement du trafic des camions, je n’adhère pas du toutà cette théorie. Prenez l’exemple de votre foyer, vous n’achetez pas un frigo, une télé, ou des meubles tous les jours, vous les renouvellez juste au fur et à mesure de leur usure normale.

Le 1er janvier 1993, les frontières douanières ont disparu. La plupart de ceux qui ont connu cette transition se souviennent avec bonheur de ce gain de temps. Les industriels aussi. En France, on continuait le programme de construction des autoroutes, facilitant toujours plus les déplacements à l’interieur du pays, l’idée étant de lutter contre le desanclavement des régions les plus éloignées de la capitale. Les parkings autoroutiers ne cessaient de s’aggrandir, pour accueillir toujours plus de camions. Dans le même temps l’industrie française ne cessait de regresser, les usines de fermer, un peu partout sortait de terre des batiments dédiés à la logistique autour des grandes agglomérations. Construits la plupart du temps sur des zones agricoles, les élus étaient trop contents d’accueillir chez eux cette mane financière, avec quelques emplois à la clé, pourtant quand l’industrie detruit 100 emplois, seulement 10 sont crées par la logistique, les zones portuaires ont également explosé et demandent toujours plus de camions, s’etendent même parfois sur des zones pourtant écologiquement protégées comme c’est le cas en Camargue.

C’est ainsi, que d’Almeria à Varsovie, toutes les entrées de villes ont finit par se ressembler. Les centres villes se sont vidés, poussant les gens à toujours plus se deplacer pour le travail ou les loisirs. La moindre petite ville, est aujourd’hui noyée dans d’interminables bouchons, les gens devant toujours faire plus de kilomètres pour aller travailler.

Pour donner une démonstration de la mondialisation, je prendrais un exemple simple, la comparaison entre une 4L Renault et une Clio Diesel. La première, fabriquée à Paris, les tôles provenant sans doute de Lorraine ou du nord de la France, avec des composants fabriqués pour la plupart en France. Un circuit de fabrication relativement court. La Clio est assemblée à Bursa en Turquie, ses composants proviennent par la route, de toute l’europe et même du Maghreb, pour finalement être vendue ici en France. On a idée du nombre de camions, des kilomètres parcourus pour la frabrication d’un seul véhicule ?

La chute du mur de Berlin, l’élargissement de l’Europe vers les pays de l’EST, la facilité toujours plus grande de déplacer des marchandises, a encore accentué le phénomène. Là, ou certains dont je faisais parti ont vu une liberation des peuples, les économistes, y ont vu une liberalisation encore plus grande. Les industriels, profitant de cette manne de transporteurs à faible cout, on encore plus misé vers les délocalisations de l’industrie. Pire encore, beaucoup de nos collègues de l’est ne font pas ce métier par goût ou passion du transport, non, pour la plupart c’est un moyen de sortir un salaire point barre. Aucune loi n’oblige leurs employeurs à faire rentrer leurs chauffeurs au domicile en fin de semaine. Vouloir lutter contre le dumping social, et les délocalisations n’est pas incompatible avec notre profession.

Les constructeurs de camions, ont tout interêt à ce que perdure ce système, trop content de livrer des véhicules neufs à des entreprises de transport sorties de nulle part ces 15 dernières années et dont certains comptent près de 10.000 attelages. Alors pour faire bonne figure, les constructeurs misent sur la reduction des gaz à effet de serre avec des normes toujours plus exigeantes, €4 €5, €6, camions electriques, à hydrogène, à gaz, autonomes, mais à quoi ça sert de faire des camions toujours moins polluants s’ils sont toujours plus nombreux ? Mis à part se donner une bonne image, mais personne n’est dupe.

De leur côté, les écologistes montrent le camion du doigt en prenant souvent l’exemple de ces camions chargés de fruits et légumes qui traversent l’europe. Mais quoi qu’il arrive, un Norvegien aura toujours du mal à faire pousser des fraises en hiver chez lui. Bien sûr, ils manquent d’information de ce qu’est la réalité du monde du transport et surtout de la logistique. Ce n’est pas que de vouloir revenir à l’âge de Pierre que de vouloir remettre un peu de logique dans les échanges commerciaux, contrairement à ce que tente de faire croire les anti écologistes. En France, en Europe et dans tous les pays de l’est, il y a pénurie de chauffeurs, c’est peut être une occasion inspérée de remettre un peu d’ordre. Si on aime ses enfants on a forcement envie de leur laisser un monde meilleur.