Un voyage humanitaire en Lettonie avec Alex

Je viens vous raconter pour ceux que ça intérèsse un voyage qui sort de l’ordinaire pour moi. Ce n’est pas pour le trajet en lui même, car ayant ma société en Lettonie pour ceux qui ne me connaissent pas, j’ai fait cette route des dizaines de fois et il n’y a rien de spectaculaire, l’Europe reste l’Europe, mais pour le contenu du chargement. Car bien qu’en tant que chauffeur, au début ça sonnait mal un chargement de mobilier en vrac, chargé à la main en 5 points différents et avec des accès difficiles, pas adaptés du tout à un semi, ça ne m’a pas laissé de marbre de voir qu’en France des personnes se donnent à fond bénévolement pour aider mon pays d’adoption qu’est la Lettonie. Il s’agit en fait d’une association qui récupère des vêtements et le mobilier destiné à la poubelle dans les hôpitaux, écoles et même chez les particuliers, pour soit les envoyer directement à des maisons de retraite, famille ou autres établissements dans les pays nécessiteux ou bien les vendre en France pour financer le transport. Et je n’étais pas moins que le 42eme camion chargé depuis la création de l’association en 2002 !

Le lien de l’association : http://aima.over-blog.com/ 2014/06/4-associations-aident- aima-a-envoyer-son-42eme- camion-en-lettonie.html

Après 2 bons mois non-stop passés dans le camion à faire des tours entre la France et l’Italie, il était temps pour moi de rentrer à la maison. Mon affrèteur me donne la première adresse de chargement : Collège Marguerite de Navarre en plein centre-ville de Pau… J’arrive la veille au soir en pleine heure de pointe, au moment de la sortie des élèves tant qu’à faire, et je trouve mon emplacement qui m’avait été réservé avec des panneaux de stationnement interdit. Tout le monde me regarde comme si j’étais un martien mais c’est pas grave, je commence à bricoler sur mon camion changer 2 ou 3 ampoules pour une fois que j’avais du temps et soudain un homme qui sortait du collège viens me voir et me demande si je reste dormir là, je lui dit que oui et en fait c’est le chef-cuisto de l’école, et il me dit je peux pas te laisser là tout seul, viens manger à la maison et prendre une douche si tu veux, super sympa, et voila que je passe la soirée avec lui et sa petite famille très acceuillante dans leur appartement de service derrière le collège, avec un très bon repas et en plus je repars avec une caissette de nourriture 🙂

J’étais tellement habitué à ce que les gens viennent frapper à ma cabine pour m’agresser à cause de la gêne du camion ou me prendre la tête à vouloir me vendre des objets volés, faire une partouze gay ou autres conneries que je n’en revenais pas qu’on vienne me voir juste pour se soucier de moi et de m’inviter comme ça sans me connaitre. Comme quoi, même en France, il peut encore y avoir des gens gentils, moi y’a longtemps que j’avais fait une croix là-dessus.

Le lendemain matin 8h, les membres de l’association qui ont affrété le camion arrivent, et me font reculer sous le porche du collège pour être à cul sur un bâtiment où se trouvait le mobilier en question. Le courant est tout de suite passé, j’ai eu le droit à un café et gâteau avant d’attaquer, puis je leur donne un coup de main à charger nous faisons une chaîne humaine pour monter des chaises que nous empilons au maximum à l’avant de la remorque, et les tables qui avaient été démontées par leurs soins la veille.

Une bonne heure après nous avions fini, la remorque était à peine remplie au quart, ce qui est une bonne chose car il restait beaucoup de choses à charger ailleurs.

Je suis leur voiture quelques kms jusqu’à une association où nous chargeons des lits médicalisés et quelques fauteuils. Enfin je prends la route jusqu’à la troisième place à 80km de là, sur le trajet j’ai le droit à un contrôle de gendarmerie, immatriculation LV oblige, check-up de la license et carte conducteur, j’ai transpiré un peu mais finalement pas de PV, le gars à été conciliant malgré que je coupe que 24h chaque weekend depuis 2 mois il comprend ma situation pas facile d’être à son compte.

Me voilà arrivé dans la campagne en dessous de Bayonne, dans un petit village, où je dois entrer dans une propriété privée située au bout d’un chemin en lacet moins large que mon camion, et faire un demi tour très fastidieux en faisant attention de ne pas toucher la maison ni le muret en pierre de l’autre côté, pour me mettre à cul sur une grange où se trouve le chargement. Finalement je m’en sors bien, j’ai même le droit à des félicitations, apparement d’autres chauffeurs avant moi ont mis une demi-heure où j’ai mis 5mn ça fait toujours plaisir pour une fois que j’entends un compliment sur ma conduite, c’est pas souvent.

Sur place d’autres bénévoles sont arrivés dont des Lettones, et il y a une petite quinzaine de personnes qui chargent le camion de divers mobiliers, sacs de vêtements et autres, il fait très chaud, j’ouvre le toit de la taut pour qu’on ait un peu d’air sinon c’est intenable. Midi étant passé, je suis convié à un buffet sur place organisé par l’association pour les bénévoles venus aider.
Puis on me demande si je peux faire un petit crochet avant de partir par un hangar situé dans le même village pour compléter le chargement, il s’agit en fait d’un hangar de troc de l’association qui récupère du mobilier chez les particuliers et les revends pour générer des fonds, nous y chargeons des armoires, des rouleaux de lino etc… puis une photo de groupe s’impose pour le blog de l’association.

RDV est fixé le lendemain matin à Gap pour le dernier point, deux membres de l’asso feront le trajet de 800km en voiture pour aider sur place à démonter les lits médicaux à charger, la remorque est déjà largement remplie aux 3/4, de bas en haut, je suis même obligé de sangler la bâche par l’extérieur tous les métres car ça pousse trop.

Je fais le trajet tranquillement la nuit par les nationales et j’arrive pile à 8h dans une zone industrielle, hangar des services techniques où ils ont stocké du matériel d’hôpital d’occasion pour l’association. Une équipe de travailleurs sociaux d’Arménie arrive en renfort, nous discutons un peu en russe et en français, certains étaient en France depuis 8 ans et commençaient à très bien parler notre langue. Les 2 filles de l’association venues en voiture démontent selon leur savoir faire les lits, et les gars les montent dans la remorque, c’est très lourd mais je n’ai qu’à regarder car ils sont déjà trop nombreux pour le peu de place qu’il reste de libre dans ma semi. A la fin, ils rempilent des tables de nuits, fauteuils roulants et autre et je suis obligé de leur mette le hola car ça commence à bien dépasser derrière la remorque, et moi j’aimerais bien pouvoir la refermer pour rouler jusque là-haut ! Je sangle copieusement à l’intérieur et extérieur de la remorque et vers midi me voila parti pour le grand nord.

Le trajet n’a rien de spécial, je passe par un joli col pour rallier Grenoble puis c’est de l’autoroute banale, Strasbourg, Franckfort, Hannover, Hambourg et le port de Travemunde où je vais prendre un ferry qui traverse la mer baltique pour me déposer directement à Liepaja sur la côte ouest de la Lettonie.

Ce qui permet de faire le trajet quasi non-stop et d’éviter la Pologne avec les emmerdes qui vont avec et le détour par la Lithuanie pour ne pas traverser le petit bout de Russie le long de la Baltique qui est fermé par des frontières.

Ensuite je n’aurais plus qu’à traverser le pays d’ouest en est, avec une étape chez moi à Riga, la capitale, pour passer le dimanche avec ma copine où nous profitons du beau temps pour aller à la plage, la dernière fois que j’y été venue je pouvais marcher sur la mer qui était gelée, mais à choisir, je la préfère en hiver le spectacle est plus grandiose pour moi.

Le lundi matin vers 04h je vais à mon camion, et la semaine démarre mal : je conduis à peine 5 mètres que j’arrache un robinet sous le réservoir sur une bosse du paking, résultat 300l de gazoil de perdu et surtout 5 bonnes heures, le temps de répandre du sable sur les traces, car j’ai roulé 200m avant de m’en rendre compte, et d’attendre l’arrivée des mécanos pour me faire un raccord sur l’autre réservoir afin que le moteur puisse tourner normalement sans aspirer d’air, et enfin aller reprendre du gazoil.

Je prends donc la route dans la matinée avec ma copine, et nous arriverons vers 14h au lieu de déchargement ou des bénévoles nous attendaient depuis 8h du matin.

Malgré cela leur acceuil à été très chaleureux, et le déchargement s’est fait en à peine 1h30, c’est impressionnant quand on sait que tout était chargé en vrac et une fois tout entreposé cela encombrait totalement un hangar d’environ 400m², quand je pense que régulièrement en France, pour de la marchandise conditionnée sur pallettes, je passe plus de 3h dans un dépôt logistique équipé pour recevoir des camions avec quai et cariste, mais ça c’est une autre histoire…

Après déchargement nous étions invités à un repas dans la maison de retraite qui était bénéficiaire d’une grande partie de ce chargement, nous avons pu prendre une douche, on nous proposait même une chambre si on voulait rester la nuit, les lettons sont très chaleureux comme à leur habitude, puis nous repartons avec des petits cadeaux et la directrice nous propose de nous faire visiter les environs ce que nous acceptons avec plaisir.

Nous allons près d’un lac très joli, calme, exactement le genre d’endroit ou je me verrais bien habiter avec mes chevaux au milieu de la nature, paysage typique de la Lettonie

Pour ceux que ça intérèsse, une brève sur les routes en Lettonie, c’est typique des pays de l’est avec des grandes nationales droites qui traversent d’immenses forêts, ça roule bien même sur la neige, d’ailleurs je préfère l’hiver, les paysages sont grandioses (voir photos), cependant il y a plein d’ornières, trous, flaques d’eau et autres, dus à la très grande amplitude climatique (de -30 à +30°) que la Lettonie connait.

Les routes secondaires sont le plus souvent en calcaire mais assez large pour s’y croiser même en camion, contrairement à nos petites routes de campagnes dont le bitume fait à peine la largeur du camion et il faut en descendre pour s’y croiser au risque de s’enliser. Il y a plein de routes en construction ou en reconstruction en ce moment car c’est la saison, le plus souvent co-financé par l’Europe qui ici à vraiment apporté quelque chose de positif dans ce pays qui était laissé à lui-même depuis la chute de l’URSS. Le pays est en plein essor et cela se ressent partout, mais il y a d’énormes diffèrences de vie entre la capitale et la campagne, justement comme l’endroit où j’ai livré, près de la fontière Biélorusse à une vingtaine de km de la ville de Daugavpils.

Il faut savoir que le salaire de base est de 1.85€ de l’heure, que beaucoup travaillent 12h par jour pour arrondir les fins de mois, car avec 300€ mensuel, même ici cela est loin d’être suffisant.

Les patrons sont rois ils peuvent embaucher et débaucher du jour au lendemain sans explications.

Les prud’hommes et syndicats n’existent pas, peut être que c’est grâce à cela d’un autre côté que l’économie se développe rapidement et que le pays est le leader de la croissance européenne depuis plusieurs années.

Mais quand je vois les conditions de vie de certains à la campagne, avec des jeunes enfants dans des maisons hors d’âge avec pour seul chauffage un poêle/cuisinière au milieu de la maison, les toilettes au fond du jardin, je ne peux pas les blâmer d’aller travailler à l’étranger ou comme chauffeur dans des compagnies de transports qui certes les exploitent mais leur permettent d’offrir une vie meilleure à leur famille.