Le Tunnel du Fréjus par Lagaffe

En 1982, je passais par le tunnel du Fréjus pour la première fois, j’ignorais que je deviendrai un habitué de ce point de passage et j’étais loin d’imaginer que j’aurai la chance de visiter les services techniques, tout ce qu’on ne voit pas quand on est un simple usager.

Donc, j’ai eu droit, avec quelques collègues, à l’honneur de la visite du tunnel, avec l’autorisation de la direction du Tunnel et, la promesse de ne pas dire trop de bêtises, je vous emmène avec moi. On va faire traditionnel pour commencer et hop, quelques chiffres.

Ouverture en 1980, 12 km 870, c’est le sixième tunnel routier du monde, juste avant le Mont Blanc, 11 km 600, le tunnel est cogéré par les sociétés d’autoroute Française et italienne au sein du GEF (Groupement d’exploitation du Fréjus). 100 personnes environ de chaque côté dont plus d’une centaine de pompiers, pour la sécurité, on ne fait pas dans la dentelle.

Pour ceux qui s’imaginent qu’il suffit de faire un gros trou dans une montagne pour faire un tunnel, c’est un peu plus compliqué.

Il faut déjà faire le trou, ça peut prendre un certain temps suivant la longueur et l’état du terrain. Le tunnel du Fréjus a été creusé à l’explosif alors que la galerie de sécurité qui va longer le tunnel est creusée avec un tunnelier grosse machine qui grignote la montagne à une cadence moyenne de 10 m par jour. Evidemment, une montagne ce n’est pas forcément stable à l’intérieur, il y a ce qu’on appelle des zones de convergence, des endroits où la montagne ne pense qu’à se refermer donc, il faut renforcer les parois et, parfois ferrailler assez profondément si on ne veut pas voir le tunnel se boucher tout seul.

Petit détail qui a quand même son importance, il faut évacuer l’eau, le tunnel est en pente, pas beaucoup, 0,54%, c’est imperceptible mais, c’est efficace.

Bien sur, il faut éclairer l’intérieur, prévoir des moyens de communication, des systèmes de surveillance… Alimenter tout ça et puis installer une salle de contrôle histoire de gérer le tout.

Comme il faut prévoir le pire, un incendie qui couperait l’alimentation tous les câbles par exemple, on peut alimenter le tunnel en électricité par la France (EDF) ou par l’Italie (ENAL) plus un système de secours. Pareillement, si la salle de contrôle principale se trouve en Italie, côté français, une salle peut être activée à tout moment, d’ailleurs, régulièrement, le contrôle y est transféré pour être sur que tout est opérationnel. Cogestion (et sécurité) obligent, il y a toujours un employé de chaque nationalité dans la salle de contrôle.

Un tunnel routier, doit être ventilé parce que, les camions et les voitures consomment de l’oxygène (les chauffeurs aussi) donc il y a 6 usines de ventilation dont 4 souterraines

Bien sur, il faut penser à la sécurité, il y a 100 postes d’appel d’urgence et le tunnel est surveillé par 204 caméras est un système de détection automatique d’incident au poste de contrôle.11 abris pressurisés avec possibilité d’évacuation par la galerie d’air frais. Avec la galerie de sécurité, il y aura 34 abris, un tout les 400 m environ. Bien sur, les abris sont aussi surveillés par caméra et, un poste d’appel permet de communiquer avec la salle de contrôle.

Une alimentation en eau avec un poste incendie tout les 130 m et deux réservoirs de stockage.

Yves est notre guide

En route pour la visite, conduit par Virginie et, avec les explications d’Yves, nous entrons dans le tunnel comme n’importe quel usager mais, nous allons faire un arrêt à 4000 m de l’entrée dans un des deux postes de secours intérieurs. Dans la base vie on retrouve des écrans reliés au système d’alerte. Deux pompiers sont prêts à partir avec un véhicule de première intervention en cas de problème.

Il y a le même poste de secours côté italien, l’avantage des ces deux bases et de réduire le délai de première intervention. Juste derrière la base vie nous pénétrons dans la l’usine de ventilation, c’est tout noir mais, Yves allume les lumières et, nous sommes impressionnés par les dimensions 4 gros ventilateurs (2 pour l’air frais, 2 pour l’air vicié) dans une salle plus grande qu’une église et, surprise, la même centrale juste à côté pour alimenter vers le centre, on se sent quand même tout petit surtout quand on pense qu’il y a plus d’1 km de roche au dessus de nos tête. J’ai vérifié discrètement, les boulons de soutènement ont l’air bien serrés.

Un petit tour à pied dans l’abri, une visite de la sortie de secours qui n’est autre que la galerie d’air frais et, retour dans le véhicule pour aller voir le poste de contrôle en Italie.

Un grand écran avec tout plein de voyants, des moniteurs pour les caméras de surveillance et, tout plein de boutons comme dans les films Yves est dans son élément et nous explique le fonctionnement de tout ce bazar , on peut envoyer des messages sur les panneaux d’entrée, alerter sur les feux dans le tunnel, émettre des messages spécifique en cas de problème… Impressionnant.

Retour en France, Sur l’autoradio on a droit aux messages de sécurité en Italien, en français et en anglais. Est-il utile de préciser qu’au bout d’un certain nombre de passage, on coupe le son ? Si on se trouve arrêté sous le tunnel (des feux au rouge ou un bouchon) il suffit de mettre la radio pour entendre des messages spécifiques s qui informent de la conduite à tenir

Le pire des scénarios, c’est l’incendie d’un véhicule, c’est pour ça qu’on nous rabâche les messages sur les distances de sécurité. Même si ça peut sembler chiant, les distance sécurité ne sont pas calculées par hasard, un incendie dans un tunnel, c’est comme dans un four à pizza, la température monte très vite, dans l’incendie du mont Blanc, on a parlé de températures supérieures à 1000° (j’ai bien dit mille), accumulés les uns derrières les autres, les véhicules ont tous brûlés. Si on est bien sage et respectueux des distances, on limite les risques d’incendies en cascade, on facilite l’arrivée des secours qui peuvent slalomer pour arriver au plus vite sur l’incendie et accessoirement, on multiplie ses chance de survie. Donc on gare son camion le plus près possible de la paroi, toujours pour faciliter l’arrivée des secours et, on se dirige vers l’abri le plus proche. Une fois dans l’abri, on se signale à la salle de contrôle, et on attend les secours. L’attente peut être longue, il faut être patient mais, les abris sont ravitaillés en air frais (j’ai vérifié, relisez plut haut) les personnes étant en sécurité, la priorité des pompiers est de maitriser l’incendie. Rassurez vous, on ne vous oublie pas mais, je pense qu’il faudrait mettre des jeux de société dans les abris histoire de passer le temps.

Yves nous a raconté quelques anecdotes incroyables de personnes s’arrêtant sous le tunnel (pour pique niquer ou prendre des photos par exemple). Rappelons qu’il est dangereux de s’arrêter sous un tunnel sauf cas d’avarie ou début d’incendie, pour ce genre de cas, il faut s’arrêter tout de suite, les secours sachant où vous êtes, il peuvent intervenir rapidement.

Fin de la visite en passant voir les véhicules de secours et, surtout la fameuse navette d’évacuation à double poste de conduite. Il y a une réserve d’air pour le moteur et les occupants, ça permet de naviguer même en atmosphère pauvre en oxygène, un système infra rouge permet de conduire dans n’importe quelles conditions de visibilité.

Le 29 novembre 2010, un incident est survenu alors un collègue de chez Jacquemmoz qui avait effectué la même visite que nous se trouvait sous le tunnel.

Il a mis en sureté 18 personnes dans un abri en évitant toute panique, ça prouve que ce genre de visite n’est pas inutile, le concessionnaire nous considère comme de véritables partenaires de sécurité.