Jules ou la chronique d'un routier ordinaire

par SMX

Partagez une semaine avec Jules et suivez sa vie sur la route au jour le jour.

C'est un peu comme un CDB écrit après l'heure, pour rappeller des souvenirs aux anciens et faire découvrir une époque aux plus jeunes.

 

Lundi

Il est 8h45 quand Jules ouvre les yeux.

- Merde, fait chier, je dormirai bien un peu plus. Putain ...

Jules a le dos en compote d'avoir dormi assis plié en deux. Mais la couchette, on n'y va pas forcément quand on en a envie.

Le temps de changer de disque, normal puisqu'on a changé de jour, et c'est reparti.

Le reste de la matinée se passe sans souci. Jules est arrivé chez son client à Lesquin juste à midi. Trop tard pour vider, mais tant pis, j'ai déjà bien bossé se dit-il. Il videra à 14h. Ce qui fut dit fut fait, et pour 15h, les 25 tonnes de papier avaient disparues de la remorque et rejoint le quai du client.

Jules le connaît bien, il y est déjà venu de nombreuses fois. Il a même lié quelques affinités avec le réceptionniste et la secrétaire.

Après une douche bienfaisante chez ce dit-client, il téléphone à son patron, depuis le bureau de la secrétaire.

- Allô Henri ? C'est Jules, chui vide

- Ouais salut, bon, tu vas à la fécule, complet pour La Gorge

- Mouais d'acc, à demain

- A demain.

Jules se dépêche. La fécule, c'est une usine qui fabrique de la fécule de la pomme de terre et qui se trouve à Haubourdin. Là-bas, il y a parfois du monde, et Jules voudrait bien charger pas trop tard. Ainsi, il pourrait attaquer un peu la descente.

Le voici donc arrivé au chargement, il est veinard, juste 3 camions devant lui. En attendant son tour arriver, Jules enfile son bleu et commence à débâcher. Il défait les élastiques des deux côtés, puis au dessus des portes arrières, et grimpe sur une ridelle, escalade les planches et se rétabli sur le toit. Là, il attrape l'extrémité de la bâche et marche à reculons sur les barres afin de ramener la bâche à l'avant de la semi. Je suis veinard pense-t-il, elle a bien dégelé, est bien moins lourde et se pliera mieux. Cette opération se répète plusieurs fois, afin que toute la remorque soit débâchée. Puis il ouvre ses ridelles des deux côtés. Impec, il est prêt. Jules est content.

Ici, les gars sont sympas, ils se débrouillent à faire passer les palettes entre les poteaux, et à les faire riper. Pas besoin de les enlever, ce n'est pas le cas partout, et des fois selon le chargement, il faut mettre en plateau.

Jules allume une gauloise, et profite qu'il soit en bleu pour attraper la clé de 19 dans sa caisse à outils. Il se glisse sous les essieux de sa remorque, et resserre un peu les leviers de frein. Un quart de tour, c'est suffisant, quelques coups de clé et il entend le fenwick klaxonner, c'est son tour de charger.

Une fois le chargement effectué, Jules remonte ses ridelles, grimpe à nouveau à 4 mètres de haut faire l'équilibriste, et rebâche en faisant les mêmes opérations en sens inverse. Une fois fini, il avance un peu pour ne pas rester au milieu, et pars au bureau avec son carnet de GPR. Les papiers remplis, Jules discute 5 minutes avec un chauffeur qui vient d'arriver, puis remonte dans son Renault. Il allume une gauloise pendant que le compresseur fait monter lentement la pression.

Pchhhhh ... Jules lâche le frein de parc, c'est le départ, il est 17h30.

Il décide de passer par Reims , ça changera, et il aime bien cette route. Il passe Cambrai, St Quentin. Jules est fatigué, il languis de s'arrêter manger et dormir. Il a prévu de couper à Laon, dans un petit routier ou il s'arrête parfois. Le voici bientôt, au bout de la ligne droite. Jules commence à ralentir, il rétrograde en 7° grande, double débrayage, coup d'accélérateur afin de relancer les pignons de la boîte, re-double débrayage : 6° grande, Jules freine, les garnitures de la semi couinent avec un son grave, la valve 4 voies émet un double chuintement caractéristique lorsqu'il relâche la pédale de frein. 5°, Jules tombe l'étage, 3° petite, il pénètre sur le parking, et jette son mégot par le fenêtre. Il y a de la place sur le parking, il choisis de se garer à côté d'un SM240 dont le chauffeur est dans sa cabine. Le voyant arriver, ce chauffeur allume ses feux de gabarits, permettant ainsi à Jules de reculer en se mettant parfaitement parallèle aux autres, et sans risquer de fausse manoeuvre. Pchhhhh. Le R est bien garé. Jules attrape son porte-monnaie et descend. Il papote une peu avec le chauffeur du SM qui en fait, vient d'arriver aussi. Une fois dans le resto, après avoir salué deux gars qui boivent leur café, ils prennent chacun un "blanc-cass", paient une tournée chacun, et passent à table.

La discution est traditionnelle, ça parle camions, routes, clients, etc ... Jules mange avec appétit.

Il est 21h lorsque Jules regagne sa cabine. Ca fait presque 24 heures qu'il est parti, avec juste 2 petites siestes au compteur. Ce coup-çi, il n'en peut plus, il est claqué. Il tire les rideaux, prépare son disque pour demain, enlève son sac de la couchette et le pose sur le siège passager. Il règle son réveil pour 4h00, et le remonte. Jules se déshabille mais glisse son pantalon entre la couverture et le dessus de lit, pour qu'il soit un peu au chaud pour demain matin. Car il fait froid, et le lendemain matin s'annonce plus que frisquet, carrément glacé même.

Il se couche, pose sa tête sur l'oreiller, et s'endort immédiatement. Il n'entend même pas le SM 240 démarrer à côté de lui, et qui s'en va dans le sifflement inégalable de son turbo.

 

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